Union africaine – Union européenne, un sommet du new deal pour chasser la chine du continent noir ?
Ouvert hier jeudi le 17 février 2022 à Bruxelles, le sixième sommet réunissant l’Union Européenne (UE) et l’Union africaine (UA) se clôture aujourd’hui, avec la promesse d’un nouveau partenariat entre les deux continents.
Depuis hier, les chefs d’états et de gouvernements discutent autour du contenu de ce partenariat qui représente 150 milliards d’euros d’investissement en Afrique sur la période 2021-2027, selon l’annonce de la présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leven, faite le 10 février 2022 à Dakar, capitale du Sénégal.
Dans son discours d’ouverture, le président de l’Europe de 27, Emmanuel Macron, est revenu sur les acquis du dernier sommet UA-UE, insistant notamment sur ce qu’il qualifie de l’axe euro-africain que ce sommet aurait dégagé «pour faire prévaloir une vision commune de notre destin ». Il a souligné que « l’Afrique est face à des défis » qui sont partagés avec l’Europe avant d’énumérer, tour à tour, « la transition numérique, la transition climatique, la transition politique et la transition démographique ».
Le président français a pointé également les « deux crises qui se sont percutées » sur le continent africain : le « terrorisme et la déstabilisation » ainsi que « la Covid-19 ». Il juge ces crises encore plus difficiles à absorber pour le continent africain étant un choc sanitaire, économique et social.
Emmanuel Macron prévient, par ailleurs, que « s’il y a un échec du continent africain, le premier à en pâtir sera le continent européen ». Il souhaite « bâtir une alliance et un axe nouveau » avec plusieurs axes de manœuvre. « Le premier c’est de faire ensemble, et non pas de faire pour », a-t-il plaidé avant de mentionner la volonté d’avoir « une feuille de route » comprenant « des projets concrets ».
Une initiative pour contrer la Chine adulée en Afrique à cause du réalisme de son partenariat
Sept tables rondes sont au programme de ce sommet reparti autour des thématiques suivantes : financement de la croissance ; santé et production vaccinale ; transition énergétique, numérique et transport ; agriculture et développement durable ; éducation, formation professionnelle, mobilité et migrations ; appui au secteur privé et intégration économique ; paix, sécurité et gouvernance.
Cette initiative européenne qui s’inscrit dans le cadre du projet Global Gateway (« portail mondial ») que la Commission met en place à l’échelle mondiale afin de concurrencer l’offensive chinoise des « nouvelles routes de la soie », devra respecter « les valeurs auxquelles l’Europe et l’Afrique sont attachées, comme la transparence, la durabilité, la bonne gouvernance et le souci du bien-être des populations », avait affirmé Ursula von der Leyen, soucieuse de se démarquer des pratiques attribuées aux concurrents chinois.
Face à la Chine, l’UE ambitionne même d’aller plus loin. Dans la nouvelle relation qu’elle veut construire avec l’Afrique, elle parle même de coopération d’égal à égal. Comme le montre ce Tweet du président français et président en exercice de l’Union européenne, Emmanuel Macron, au lendemain de l’ouverture du sommet.
Concrètement, selon le président de l’Union européenne, il s’agira, dans ce nouveau partenariat, de financer des programmes déjà existant mais aussi « de repenser notre mode d’intervention. L’Europe est souvent critiquée pour sa lenteur, il faut être plus rapide et plus efficace sur le terrain », précise l’Elysée.
Mais au-delà des apparences, ce nouveau partenariat que clame déjà l’UE a toujours quelque chose qui fâche. Car, « du côté européen, ce nouveau deal avec le continent noir apparait comme une sorte de pièce de rechange face aux nouveaux besoins de l’Afrique, lesquels ont été en partie pris en charge par des nouveaux acteurs dont la Chine et la Russie. Il s’agit bien d’une façon bien subtile de dire aux africains : « abandonnez l’argent de la Chine, n’osez même pas solliciter l’appui sécuritaire de la Russie, puisqu’avec nous, à travers ce new deal, vous aurez déjà tout ce dont vous avez besoin en terme de croissance, de sécurité, etc. », explique un internationaliste au micro de cfinances.info.
D’ailleurs, les 27 eux -mêmes ne s’en cachent pas lorsqu’ils disent réaffirmer, à travers ce sommet, « leur prééminence sur l’Afrique ». Mais les temps ont changé, le contexte aussi. L’Afrique, longtemps vassalisée, veut désormais prendre en main son destin. Et chaque fois qu’ils en ont eu l’occasion, les africains ne manquent plus de clamer haut et fort leur intention de diversifier leur partenariat. Déjà au Mali et en République centrafricaine, cette intention s’est concrétisée en forme de rupture de la coopération stratégique avec l’ancienne puissance coloniale au profit de la Russie. Ayant réalisé que l’assistance militaire française est inefficace face à la nécessité de rétablir la paix dans leurs territoires respectifs.
De l’autre côté, en prenant la présidence de l’UA début février, le président sénégalais, Macky Sall, rappelait que « l’Afrique a besoin d’un financement additionnel d’au moins 252 milliards USD [221 milliards d’euros] d’ici à 2025 pour contenir le choc de la pandémie et amorcer sa relance économique ». Il ne s’agit là que de surmonter les effets du Covid-19, pas de rattraper les retards de développement. C’est dire à quel point l’argent promis par l’Europe est insuffisant.
Le sommet du new deal entre l’UA et l’UE déjà bien parti pour échouer ?
De l’avis de plusieurs analystes, ce sommet a toutes les chances, mieux malchances, d’échouer, au cas où l’Europe de 27 s’arc-boutait sur son vœu passéiste qui consiste dans l’imposition d’une sorte de relation monogamique avec l’Afrique. Une relation qui exclurait tout autre partenariat. L’histoire récente de l’Afrique démontre que face à cette nouvelle option de stratégie de diversification de partenaires, les leaders africains ont choisi de parler le même langage. En dépit de l’alternance intervenue au sommet de certains états qui ont conclu des accords commerciaux avec la Chine.
En RD-Congo, l’ancien président Joseph Kabila était jeté en pâture par l’Occident, pour avoir, comme le disait l’ancien ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht, osé « donner le Congo de Léopold II aux chinétoques ». C’était aux lendemains de la signature du contrat entre la RD-Congo et un consortium d’entreprises chinoises. Cet accord, de 9 milliards USD au départ, consistait dans le troc des matières premières de la RD-Congo contre la construction d’un certain nombre d’infrastructures au bénéfice du pays de Lumumba. Cependant, il était qualifié de contrats léonins par les occidentaux qui avaient fait pression afin qu’ils soient ramené à 6 milliards USD.
Etant à ce point incontrôlable, Kabila a été finalement obligé de céder le fauteuil dans un contexte marqué par la vague du 3ème mandat présidentiel consécutif pour ses homologues africains. Félix Tshisekedi lui succéda. Première rencontre avec les ambassadeurs et corps diplomatiques accrédités à Kinshasa en mars 2019, il fit clairement comprendre au monde qu’il n’entend nullement se départir de la ligne diplomatique fixée par son prédécesseur. Pire, il fit appliquer le code minier de 2018 et continue allégrement le partenariat avec la Chine, dans les mêmes termes que Kabila. Au grand dam de l’Occident, les USA en tête !
On peut dire la même chose avec l’actuel président angolais Joäo Lorenço. Cette réalité, le président français semble l’avoir compris. Au sujet du Mali par exemple, il a clairement fait savoir que, pour l’UE, ce pays a le droit de nouer de partenariat avec le pays de son choix. L’UE saura-t-elle tirer toutes les conséquences de cette affirmation ? That’s the great question.