Un non-État : des véhicules RD-Congolais immatriculés en Ouganda

Le constat est grave, les plaques d’immatriculation congolaises sont non seulement administrées à Kampala, mais surtout délivrées.

De retour de Kanyabayonga pour Goma, en passant par l’Ouganda et le Rwanda, les reporters de cfinances.info font la découverte d’un réseau de fabrication des plaques d’immatriculation RD-Congolaises en Ouganda. Ce réseau implique, non seulement les officiels ougandais mais surtout les autorités congolaises à tous les niveaux, du grand-Kivu jusqu’à Kinshasa et certains sujets somaliens.

L’axe Kasindi-Kanyabayonga est une vraie plaque tournante de la mafia où contrebandiers, criminels, commençants, trafiquants de toutes sortes de marchandises et officiels, tant bien militaires que civils de nationalité rd-congolaises et ougandaises, opèrent comme dans une zone de non-droit.

Ici c’est déjà ailleurs !

La première chose qui choque est qu’ici la monnaie officielle est le schilling ougandais ou le dollar américain. Le franc congolais n’y est pas reconnu comme monnaie d’échange dans les affaires.

Comme si cela ne suffisait pas, curieusement les véhicules croisés tout le long de ce voyage, non seulement avaient de volant à l’anglaise, donc à droite, portaient parfois des plaques d’immatriculation 01 qui est le code de Kinshasa. Quand on pose la question aux autorités du coin sur ce constat, la réponse est évasive, voire le silence qui en suit dit tout. « Kinshasa est en RD-Congo, n’est-ce pas ? Alors que voulez-vous que l’on fasse ? », nous répond, après insistance, une autorité de contrôle au poste frontalier de Kasindi qui n’était pas du tout choqué de voir des véhicules en provenance de l’Ouganda immatriculés 01.

Oui, les véhicules qui viennent de Goma, de Bukavu et des environs, pour attendre Beni, avec le blocage de la N2 par le M23, font le détour au Rwanda et en Ouganda. Nos reporters ont fait ce chemin aussi (lire notre article sur : Les millions USD grâce au M23 : la complicité de Kinshasa, Kigali et Kampala). Cependant, ce qui a sonné l’alarme est qu’au départ de Goma pour traverser Gisenyi, les véhicules portent presque tous les plaques d’immatriculation avec des codes 19 et 22. Mais arrivé au poste frontalier Mpondwe-Kasindi, apparaissent les 01 mêlés aux 19 et 22.

Le réseau Mombassa-Malaba

Poste frontalierdeMalaba, Ouganda-Kenya (de Eldoret).

Déjà à Kasindi, cfinances.info reçoit la confirmation que ces véhicules en provenance d’Asie, arrivent par le port de Mombassa au Kenya et traversent le poste frontalier de Malaba destination Beni, Kisangani, Goma, Bunia, Kindu, Bukavu, voire Kinshasa.

Arrivés à Ntungamo en Ouganda, au lieu de prendre le sud vers le Rwanda, nos reporters ont continué sur la A190 vers Kampala pour se rendre à Malaba afin de voir le cœur de ce réseau. De Kasindi en RD-Congo à Malaba, ce poste frontalier entre le Kenya et l’Ouganda, en tout 652 Km parcouru en 12h. C’est le chemin de contrebande par où les minerais de guerre venus de l’est de la RD-Congo passent pour le port de Mombassa. A Malaba, le lieu de fabrication des plaques d’immatriculation congolaises, la découverte est sans précédent.

Un réseau somalien et ougandais nous accueille. Ici on peut commander toute marque de voiture et la faire livrer soit à Kisangani, Bunia, Goma ou Beni.

En effet, l’Ouganda, comme il le fait à l’est du Congo, a acquis du gouvernement kenyan plusieurs hectares à Naivasha, au centre du Kenya. C’est là, sur le sol kenyan que le gouvernement de Museveni s’est construit un port sec, une sorte de terminal terrestre en liaison commerciale et logistique directe avec le port maritime de Mombassa. (Lire notre article sur les mines de l’est de la RDC et l’expansionnisme ougandais). Du port de Mombassa au port de Naivasha, une seule route, la fameuse A109 qui va jusqu’à Kasindi en RD-Congo, en passant par le poste frontalier de Malaba ainsi que Kampala. La marchandise ougandaise est donc livrée à Naivasha et non à Mombassa. Une fois ces véhicules dédouanés à Naivasha, ils sont conduits, pour ceux de la RD-Congo à Malaba. C’est surplace que les fabricants des plaques de contrefaçon entrent en jeu. Des milliers de plaques sont fabriquées chaque jour et posées sur des véhicules prêts à être livrés. De Malaba, les véhicules continuent sur la A109 jusqu’au lieu de livraison en RD-Congo sans payer aucun frais douanier ou taxe exigée pour ce type d’importation. Ces véhicules entrent en RD-Congo comme s’ils y revenaient.

Complicité ou inconscience ?

A la question de savoir si on pouvait se faire livrer un tel véhicule à Kinshasa, notre contact somalien nous garantit qu’avec 1000 USD de plus sur la livraison de Kisangani, nous avons notre véhicule à Kinshasa par bateau. Le monsieur semble même connaitre tous les ports privés autour de Kinshasa où le débarquement se fait sans problème, car une fois que les quatre roues sont sur le boulevard du 30 juin, la boucle est bouclée.

Le tableau de prix à Matadi et Boma

Pire, ces mafieux nous convainquent de l’avantage de faire affaire avec eux qu’avec le Matadi ou Boma. Le premier argument est la multitude des taxes et la tracasserie. Ils nous présentent, pour nous convaincre, un document qui circule sur le net au sujet du réajustement récent des frais de douane  par la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ainsi qu’un tableau de prix à payer à Matadi ou à Boma. Le prix de la douane seulement, sans compter celui de l’achat du véhicule en Europe et son transport, représente la totalité du prix à payer pour un véhicule de contrebande livré à Kisangani. Comprenez pourquoi, d’un côté aucun effort est fait pour stopper ce trafic et de l’autre tout est mis en œuvre pour décourager les Congolais à utiliser Matadi ou Boma…. Le ver est dans le fruit et pas ailleurs !

albert Tshomba

En savoir plus sur cfinances.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading