Tribune : Tshisekedi a mérité sa réélection !

Ayant obtenu un peu plus de 73%, le président sortant congolais et candidat à sa propre succession, Félix Tshisekedi s’est adjugé la plus grande victoire électorale depuis l’avènement de la République Démocratique du Congo. Cette victoire quoique d’aucuns dans l’opposition la qualifie de vol, de tricherie et de coup d’État électoral ne l’est pourtant pas.

Félix Tshisekedi Tshilombo, président de la République Démocratique du Congo, réélu après le scrutin du 20 décembre 2023

Qu’est-ce qui explique cette victoire écrasante d’un président qui donnait pourtant l’air d’être plus contesté qu’adulé dans son pays ? Comment un président qui a trop promis pour des réalisations plutôt contrastées a-t-il pu être réélu ?

C’est en réponse à ces questions que plusieurs préfèrent parler de la tricherie et de la fraude électorale sans regarder la réalité en face et les réalités lors de la campagne électorale. En voici certains faits !

Une opposition divisée : un cadeau de fin d’année

En 2018, nous savons tous qu’après les concertations de Genève, en Suisse, l’opposition avait trouvé un candidat commun : Martin Fayulu Madidi. Plus tard, Tshisekedi et Kamerhe ont quitté la barge pour s’unir et créer une force unique.

La population avait ainsi le choix entre le candidat commun et le traître de l’opposition, Emmanuel Shadari ne pouvant pas être considéré car, les congolais, tous les congolais juraient sur le départ de la Kabilie.

Lors de la présidentielle de décembre 2023, le pays était divisé entre les pro-Fatshi et ceux qui voulaient s’en débarrasser. La fragilité de l’opposition est alors née de l’éparpillement des candidats jusqu’au point où les électeurs qui leur étaient acquis étaient obligés de départir leurs voix. Quel manque à gagner !

Un autre souci s’est posé sur la question de légitimité dans l’opposition congolaise. Les opposants partis en ordre dispersé, à force de se battre d’abord entre eux, ont perdu de vue leur adversaire commun qu’était Tshisekedi.

Ils en parlaient de moins en moins dans leurs meetings, car préoccupés chacun à revendiquer le statut de candidat de l’opposition, tout en étiquetant les autres des dauphins du régime.

Cette opposition n’a rien fait d’autres que donner un cadeau de fin d’année sans embûches à Félix Tshisekedi, qui ne pouvant pas se battre contre tous, les a laissé s’entretuer pendant qu’il s’apprêtait à couler un béton sur celui qui semblait être le plus grand de tous, à savoir Moïse Katumbi Chapwe.

L’enjeu électoral perdu de vue par l’opposition

Depuis les premières élections en 2006, chaque cycle électoral en République Démocratique du Congo a toujours eu un enjeu. Bien souvent, c’est celui qui le maîtrise et qui le manipule bien qui se fait élire.

En 2006, l’heure était à « l’unité et la cohésion nationale », pas étonnant que Joseph Kabila l’ait emporté malgré les contestations et les mises en places qui ont suivi. C’est d’ailleurs ce qui a mené à un gouvernement de 1+4, car au nom de l’unité, il fallait accepté de faire avec les autres.

En 2011, il n’était plus question de l’unité, mis plutôt à « la reconstruction du pays ». On comprendra pourquoi juste après, Kabila avait lancé le projet « 5 Chantiers ». Ayant réussi à unir tant soit peu les congolais, il fallait maintenant bâtir le pays sur des fondations solides.

Et cette reconstruction n’allait pas seulement dans le sens des infrastructures mais aussi, celle de la classe politique travaillant pour un objectif commun. C’est qui a d’ailleurs mené à l’implantation forte de la Kabilie.

En 2018, tout le monde en avait marre de la Kabilie, il fallait le faire partir mais sans que le sang ne coule. Le moment était venu donc venu pour une « alternance pacifique du pouvoir ». C’était l’enjeu électoral et ça, c’était connu.

Kabila ne pouvait pas prendre le risque de laisser le pouvoir a son dauphin, car cela allait emmené un chaos sans précédent. Fayulu, candidat commun de l’opposition n’était pas prêt à faire la paix.

On se souviendra d’ailleurs de ses discours qui annonçaient « Kabila et la Kabilie » en prison dès qu’il sera élu. Et c’est là, que Tshisekedi et Kamerhe ont compris qu’il fallait aller à contre sens !

Dans un pays où, il a fallu plus de quinze ans pour « l’unité et la cohésion nationale ; la reconstruction et l’alternance pacifique », l’enjeu n’était plus à vouloir réinventer la roue. En 2018, la question la plus grande était celle de la « paix à l’Est de la RDC ». Tshisekedi et son camp l’avait bien compris et ils se sont donnés la peine pour préparer sa dernière interview et ce qu’il allait dire.

Pendant sa campagne, Tshisekedi n’est pas resté statique sur son bilan critique et critiqué, il a clairement fait comprendre que faire du social une priorité était dans ses soucis mais, qu’il était difficile de le faire en abandonnant une partie entre les mains des rebelles.

Pendant ce temps là, les opposants congolais passaient leur temps à critiquer la gestion du pays par Tshisekedi.

La question de l’identité : un coup de génie !

Depuis la résurgence de la guerre à l’Est de la République Démocratique du Congo et les vérités qui s’en sont dévoilées sur les mains fortes des rebelles, dans le coeur de congolais, une méfiance de l’étranger est née et a très vite grandi. Dans sa campagne électorale, Tshisekedi a usé de cette dernière, un moyen moins propre, pour envoyer son principal adversaire Moïse Katumbi, « aller lire l’heure » comme le dirai un vrai Kinois pour expliquer l’embarras dans lequel Tshisekedi a mis Katumbi.

« Candidat de l’étranger », cette étiquette, sans trop d’efforts, Tshisekedi l’a fait adoptée à la majeure partie de l’électorat congolais, pour qui la méfiance de l’étranger s’est érigée en culture à force des guerres incessantes imposées par les États voisins. Stratégiquement, Félix Tshisekedi et son clan, se sont servis des origines métèques de Moïse Katumbi pour le désavouer auprès de l’électorat congolais. Ce coup de génie donc, n’a laissé aucun choix à l’électeur qui, dans l’isoloir, ne pouvait que « Voter pour son frère ». Et ce, de peur que l’étranger ne vienne et, ne vende le pays et ses biens sans que le congolais n’en profite.

Les émotions : un jeu de manipulation réussi pour Tshisekedi

L’électorat congolais est très susceptible aux discours passionnels. Il n’est pas étonnant que beaucoup, sur les plans législatifs, ait décidé de voter pour des gens ayant promis du n’importe quoi en lieu et place de ceux qui ont émis des avis. D’ailleurs, comme beaucoup l’aurait remarqué, le congolais adhère au plan de celui où celle joue avec ses émotions.

Chacun des discours, chacune des promesses, chacune des sorties médiatiques de Félix Tshisekedi étaient de nature à manipuler l’émotion du peuple. La phrase « À la moindre escarmouche, lisez sur mes lèvres… », illustrant la fermeté d’un président intransigeant face au Rwanda, est l’illustration parfaite du génie politique du président congolais.

En plus de cela, l’être humain est plus susceptible à se laisser persuader par ceux qui semble de bonne volonté. Tshisekedi et son clan le savent très bien, c’est pourquoi il a toujours donné l’air d’un président pourvu d’une bonne volonté, et ce, même lors de son premier mandat. Une chose qui se lit sur ses lèvres et qui s’affirment dans ses discours teintés d’une témérité assourdissante.

Ayant laissé parler son cœur et ses émotions pour communier avec le peuple, même si, ses discours n’étaient pour la plupart que politique, Tshisekedi a emmené le congolais à croire en lui, en son apparence, en ses promesses et en ses discours. Vous vous souviendriez par exemple de ce qu’il a affirmé lors de son interview à la radio Top Congo, sur la taxe RAM, ses voyages, la guerre à l’Est… Il a joué sur les émotions et boum, il a conquis les congolais.

Les projets à impact électoralPendant la campagne, il a circulé sur les réseaux le témoignage d’une maman, qui était content que grâce à la gratuité, ses enfants aillent à l’école. Cette joie était probablement contaminée par le fait qu’elle aura aussi la facilité de mettre au monde gratuitement. Cela témoigne de l’impact du régime de gratuite instauré par Félix Tshisekedi, en dépit des conditions non maîtrisées et remplies pour le faire, celà n’était rien d’autres qu’une préparation à la réélection du fils du sphinx de limeté !

Sachant que, de par la nature égoïste de l’homme, ses choix sont souvent motivés par le gain individuel qu’il compte en tirer, cette maman a eu tout à fait raison de voter pour celui qui en facilite l’éducation des enfants et l’accès gratuit à la maternité. Il faut ajouter à cela le nombres d’étudiants que Tshisekedi s’est mis dans la poche d’abord à Kinshasa grâce au Trans-Academia et à la réhabilitation de certaines établissement d’enseignement supérieur.

La publication des résultats partiels a conféré à Tshisekedi des scores vertigineux dans les milieux ruraux. La cause principale serait l’impact des projets, il suffit de voir les images que son équipe de campagne a mis sur les réseaux sociaux congolais (quoique pour la plupart mort-nés) initiés par le Chef de l’État sortant à l’intérieur du pays (PDL145 territoires…). En retour, des millions des congolais de l’intérieur des provinces lui ont rendu la pareille.

Non, TSHISEKEDI n’a rien volé de sa réélection, comme d’aucuns le pensent. Il y a surtout eu un travail de fond qui ne devrait que le prédisposer à une reconduction, dans un pays comme la RDC qui n’en exige pas plus.

Ol's Kakenge

Journaliste, Ecrivain-Poète et Dramaturge Congolais

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