Reddition des comptes 2020 : sans aucune certification, cet exercice reste du folklore
Dans son rapport général sur la reddition des comptes de la loi des finances rectificatives exercice 2020 que la rédaction de Cfinances.Info a pu consulter, la Cour des comptes s’est dite ne pas être en mesure de certifier les comptes présentés, ni déclarer la conformité ou non des chiffres censés provenir des comptables publics et ceux qui sont alignés au niveau du compte général de l’état. « La cour des comptes n’est pas en mesure de produire le ‘‘Rapport de certification des comptes’’ et de ‘‘prononcer la déclaration de conformité ou non entre des comptes individuels des Comptables publics assignataires et le compte général de l’Etat’’, qui doivent être joints au Rapport général accompagnant le projet de loi portant reddition des comptes du Pouvoir central tel qu’exigé par les articles 35 et 147 de la Loi Organique n°18/024 du 13 Novembre 2018 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes», pouvait-on lire.
Les juges de cette cour présidée par le premier président, Ernest Izemengia Nsaa-Nsaa, justifient cette entorse à la loi sur les finances publiques (Lofip) par une autre foulure découlant de la transmission tardive, par le gouvernement, du projet de loi portant reddition des comptes.
En effet, conformément à l’article 84 de la Lofip, ledit projet de loi aurait dû être déposé à l’assemblée nationale au plus tard le 15 mai 2021. Faute de respecter ce délai, le gouvernement avait la latitude de se rattraper en le déposant au même moment que le rapport de la cour des comptes, c’est-à-dire avant la fin de la session ordinaire de mars, soit le 15 juin 2021. Ainsi la cour des comptes allait avoir le temps nécessaire pour approfondir ses investigations sur l’exécution de la loi des finances en examen, mais hélas !
Selon une source proche de cette haute institution de contrôle des finances publiques, cette situation est une survivance de la kabilie, qui n’a jamais donné des moyens nécessaires à cette Cour pour lui permettre de mener à bout sa mission. On remarquera en effet que depuis le recrutement des magistrats de la cour des comptes en 2013, ces derniers n’ont jamais produit un rapport de certification des comptes ni prononcer la déclaration de conformité des chiffres, comme c’est le cas actuellement avec la loi portant reddition des comptes sur la loi des finances rectificatives exercices 2020 !
Pour lui permettre de mieux faire son travail, il faudra à la cour des comptes de disposer d’un nombre suffisant de comptables d’états, disséminés sur toute l’étendue du territoire national. Ce sont donc ces derniers qui vont procéder à la vérification des comptes de recettes et de dépenses, à partir de la base, c’est-à-dire des entités territoriales décentralisés (territoire, secteur, chefferie, etc.) et faire remonter les résultats au niveau de la haute hiérarchie à Kinshasa, lui permettant in fine de rendre un jugement de conformité ou non. Toujours selon notre source, le besoin exprimé en effectif, pour faciliter le travail à la cour des comptes, est de 600 comptables d’état, soit le double de l’effectif actuel. A cela s’ajoute la non – prestation de serments de 50 magistrats de cette importante, depuis leur recrutement en 2013, ce qui constitue un frein à leur déploiement effectif sur terrain !
A côté de ces difficultés fonctionnelles liées notamment à la carence du personnel et autres, il y a surtout celle en rapport avec les finances. Dans son discours sur l’état de la Nation tenu ce lundi 13 décembre 2021, le chef de l’état, Félix Tshisekedi, a annoncé son énième intention de rendre opérationnelle la cour des comptes. « J’attends rendre opérationnelles dans les tous prochains jours, les différents organes de la Cour des comptes, la plus haute instance de contrôle des finances publiques afin qu’elle joue pleinement son rôle de patrouilleur financier en chef avec l’appui de l’inspection générale des finances », a-t-il indiqué. Sans préciser ce qu’il va faire exactement, puisqu’au niveau du budget 2022 déjà, aucune ligne de crédit ne porte une telle ambition. Va-t-il signer une ordonnance octroyant quelques avantages fiscaux et/ou parafiscaux. comme c’était le cas avec l’IGF (Inspection générale des finances) ? Difficile, pour l’instant, d’en répondre.
Rappelons, toutefois, que l’ordonnance présidentielle de septembre 2020 accorde à l’Igf 10% sur l’ensemble des rétrocessions payées aux administrations financières du pouvoir central ainsi que 5% pour les rétrocessions des recettes non fiscales. Pour l’exercice budgétaire prochain, selon l’Odep (Observatoire de dépense publique), l’IGF bénéficiera d’un fond spécial d’intervention évalué à 74,5 milliards de francs congolais, soit 35 millions USD. « Fonds utilisés pour saper les efforts de réformes des finances publiques », accuse, sans trop de précisions, l’Odep, dans l’un de ses Tweets de novembre dernier. Pour dire, il faut être rattaché au président de la République, comme institution, pour bénéficier de la prodigalité de l’exécutif.
Quant à la cour des comptes, son besoin en financement connu est évalué à 18,2 millions USD afin de lui permettre de mettre en œuvre de manière efficace des actions de contrôle des finances publiques à travers le pays. C’est le premier avocat général Christian Mudina Léboye qui l’avait affirmé le mardi 7 décembre 2021, au cours de la cérémonie de lancement du Plan Stratégique 2022 – 2025 de cette juridiction. A l’en croire, ce plan qui sera financé par les fonds sus – mentionnés, se décline en 5 (cinq) composantes suivantes : le développement et l’actualisation des outils de contrôle juridictionnels et extra- juridictionnels ; le renforcement des capacités de magistrats et du personnel de vérification ; l’organisation des missions pilotes de contrôle juridictionnel et non – juridictionnel ; l’amélioration de la gouvernance interne de la cour des comptes en adoptant le mode de gestion et d’organisation moderne et, enfin, le renforcement des capacités de la cour des comptes en infrastructures immobilières, mobilières et informatiques.
En rappel, la cour des comptes a été créée en 1987. Elle a comme mission d’assurer le contrôle des finances publiques en Rdc. Elle juge les comptes des comptables publics et certifie les comptes de l’état, évalue les politiques, programmes et actions publiques et assiste les assemblées législatives délibérant mais aussi des entités territoriales décentralisées, dans le contrôle de leurs budgets. Signalons que la Loi des finances rectificative exercice 2020 est chiffrée à 8,3 milliards de dollars américains.