RDC-Rwanda : la certification de minerais 3T minée à sa création ?

« Le blanchiment de minerais de contrebande serait la raison d’être du programme ITSCI… le PDG de MSA aurait collaboré avec ITA et l’ancien ministre rwandais de la Défense pour établir un programme de traçabilité endossé par le gouvernement et qui, selon eux, permettrait d’écarter le risque d’une réglementation plus stricte imposée par les pays importateurs », révèlent des sources de Global Witness au conditionnel. Hélas, les faits confirment sans nulle doute cette affirmation. Qui pis est, les décisions prises par le gouvernement de Tshisekedi dans le secteur minier tendent à renforcer ce qui n’était que suspicion.

l’ITSCI à l’origine

Au départ, deux usines qui fondent de la cassitérite en provenance de la RD-Congo, la Malaysia Smelting Corporation Berhad (MSC) et la Thailand Smelting & Refining Co Ltd (Thaisarco), après avoir essuyé des critiques sur la provenance des minerais, s’engagent à promouvoir l’exportation des « mines propres ». Ensemble avec d’autres membres de l’Association internationale de l’étain (ITA), ces deux fonderies vont convaincre les fournisseurs de la cassitérite en provenance de l’est de la RD-Congo, à savoir BEB Investment, Comptoir Panju, CR Central Africa, Metmar, mineraisSupply Africa, Refractory Metals Mining, Tengen Metals, Trademet, Traxys et T.T.T. Mining, à participer à cette initiative. Avec l’appui des pays de l’OCDE, de la CIRGL, il sera donc mis en place, en juillet 2009 l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI).

Désormais, les minerais extraits artisanalement en provenance du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et du Maniema doivent montrer patte blanche avant d’être exportés. Des fonctionnaires sont placés dans les sites d’exploitation qui remplissent les conditions afin de certifier les minerais.

Les imbrications entre les autorités de la RD Congo et du Rwanda dans la contrebande

Pendant ce temps, Global Witness note  qu’au Rwanda, où on exploite à très petites quantités les minerais concernés par l’ITSCI et il y a aucun groupe armé en activité et le problème de traçabilité ne se pose pas. Ce qui est certain,  les minerais de contrebande pillés par les groupes armés depuis la RD Congo profitent directement au Rwanda et ce dernier  voit, par conséquent, l’implémentation de l’ITSCI en RDC de très mauvais œil.

A petit pas, avec la complicité active et/ou passive des autorités de la RD-Congo, le Rwanda va arriver à prendre le contrôle de la certification de coltan, de l’étain et du tungstène — trois minerais plus connus sous l’appellation « minerais 3T ». Alors que la certification se fait sur le territoire rd-Congolais. 

Stratégie rwandaise à plusieurs étapes et l’officialisation de la contrebande par le gouvernement de la RD-Congo

Comme l’a noté Global Witness, le Rwanda, grâce à sa diplomatie, a réussi à prendre le contrôle du processus de mise place de l’ITSCI. Par la suite, afin de brouiller la traçabilité, le Rwanda ne va plus jamais rendre public la quantité de minerais produits sur son territoire.

Cependant, le monde entier sait que qu’il est impossible que ce petit producteur minier ait un tel volume en exportation. Comme le note Global Witness, seuls 10 % des minerais exportés par le Rwanda ont réellement été extraits sur son territoire, les 90 % restants ayant été introduit illégalement à partir de la RDC.

A ce sujet, Global Witness a déclaré que « d’après de nombreuses sources du secteur, le gouvernement rwandais a parfaitement conscience que les volumes de production sont artificiellement gonflés par la contrebande. Ni le gouvernement, ni le programme ITSCI ne publie les données sur la production à l’échelle des mines qui permettraient de prouver le contraire. Si ITSCI a bien pris des mesures contre certains cas de contrebande mineurs, les grands exportateurs de minerais frauduleux n’auraient rencontré aucune résistance. La plus grosse de ces sociétés, Minerals Supply Africa (MSA), a pendant plusieurs années été le principal exportateur de minerais 3T du Rwanda. »

Depuis un certain temps, l’ITSCI commence à montrer ses limites, malgré le génie malicieux rwandais. Les voix se lèvent de partout. La quantité des minerais exportés par le Rwanda ne peut plus cacher les imperfections de l’ITSCI. De l’autre côté, les crimes perpétrés par les groupes armés qui travaillent dans les zones minières ne laissent plus indifférent.

Pour ce faire, le Rwanda décide de passer à la vitesse supérieure, contrôler quasiment toutes mes mines officielles de l’est de la RD-Congo, ce qui lui permettra de sortir « légalement » les minerais  de la RD-Congo.

Pour rappel, un  rapport de l’ONU  signalait déjà que les minerais qui passent en contrebande par les mineurs de SMB dans la concession voisine de SAKIMA sont par la suite introduits illégalement dans la chaîne d’approvisionnement d’ITSCI.

Global Witness, de son côté, affirme  que « les estimations de référence d’ITSCI pour la production minière de SAKIMA, utilisées par le programme pour évaluer le volume de minerais à étiqueter, sont dix fois supérieures à celles d’une source de l’ONU pour certaines mines de la société — un écart probablement imputable aux minerais introduits illégalement dans la mine. » Ce même rapport de l’ONG fait remarquer que, rien qu’en 2020, des centaines de tonnes de coltan provenant de la concession de SMB ont été frauduleusement introduits dans les chaînes d’approvisionnement d’ITSCI.

Et voilà, le mot-clé de la nouvelle stratégie est donc SAKIMA, la Société aurifère du Kivu et du Maniema.

Et Tshisekedi céda Sakima

SAKIMA, société anonyme, composée des plusieurs parts détenues par soit l’État rd-congolais ou des sociétés étatiques, a un portefeuille minier constitué de 46 permis d’exploitation. Ces permis couvrent une superficie de plus au moins un million ha, répartis dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et du Maniema.

Dans ces périmètres d’exploitation de société on y trouve une panoplie de minerais rares et prisés. C’est le cas de la cassitérite avec une teneur de 70 % d’étain, de la colombo-tantalite fait de coltan et 17-40 % de tantale, du wolframite composé à 54 % de tungstène, de la monazite qui est une terre rare et de l’or dont la pureté est à 95 %. On y trouve également de l’argent, du cuivre, du plomb, de la tourmaline, du niobium, du diamant, etc.

Le 26 juin 2021, sous l’égide des chefs de l’État Rd-congolais et Rwandais, plusieurs accords économiques seront signés entre les deux pays. Devant la presse, les deux chefs de l’État vantent cette nouvelle coopération qui portent sur « la protection et la promotion des investissements, afin d’éviter la double imposition et l’évasion fiscale », mais en réalité rien de tout ça n’est vrai. L’enjeu c’est entre autres protocole d’accord signé le même jour entre SAKIMA et une société rwandaise DITHER (voir l’article ci-dessous de Cfinances.info sur cette société -).

Les mines où s’opéraient la certification des minerais de sang sont données au Rwanda. Désormais l’or qui sort de ces mines sera raffiné au Rwanda. Comme pour dire, le loup n’a plus à faire de guet-apens pour attraper sa proie, le berger vient de lui construire une tanière dans l’écurie.

albert Tshomba

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