RDC : qu’il y a-t-il entre les hommes de Félix Tshisekedi et Afriland First Bank ?
En RD Congo, personne, alors personne ne s’explique la saga administrative, judiciaire et politique qui entoure le dossier de l’Afriland First Bank. L’entremêlement intentionnel des procédures par les différents acteurs visibles et invisibles cachent-elles la volonté délibérée de rendre cette affaire impénétrable afin de s’approprier d’un bien privé sans crier garde ?
En clair, traine-t-on cette banque littéralement à la faillite sous prétexte de la sauver, alors qu’en réalité l’on veut plutôt s’en approprier ? Mais, par qui et pourquoi ? Les institutions du pays seraient-elles derrière ? Le dossier d’Afriland soulève plus des questions qu’il n’y a des réponses claires à ce jour. Mais une chose est certaine : d’Afriland First Bank elle-même, en passant par le ministère des finances ainsi que la Banque Centrale du Congo, jusqu’à la présidence de la République, les noms sont cités.
Une année déjà de bras de fer entre autorités et dirigeants de l’Afriland First Bank.
Alors que jusque-là elle opérait loin des objectifs des caméras, la descente aux enfers de la banque, si nous devons la dater, commence en janvier 2021 avec la révélation, par la presse de l’affaire Amirac Mining.
Cette entreprise prête-nom qui appartiendrait à certains hommes forts du nouveau régime de la RD Congo, aurait été utilisée, entre autres, pour l’acquisition des carrés miniers en Ituri. Le problème est qu’Amirac, en complicité avec certains cadres d’Afriland, aurait subtilisé malignement plus de 20 millions de dollars à la banque dans le cadre de cette opération d’achat minier. Les protagonistes n’en étaient pas à leur premier forfait, raconte-t-on.
Le jeu louche !
A la suite de ces révélations, le froid s’installe au sein de la boite. Comme à la présidence où on assiste à des auditions des auteurs de la magouille par leurs supérieurs, en juillet 2021, à l’Afriland le président du Conseil d’administration, Joseph Toubi, en poste depuis 17 ans, suspend, à titre conservatoire, le directeur général Souaibou Abary qui devrait lui-aussi être impliqué entre autres dans le coup Amirac, comme le révèle des rapports d’audit de l’époque.
La réponse d’en haut ne s’est pas fait attendre. Si à la présidence, le chef qui a eu le courage d’auditionner les protagonistes se trouve, comme par enchantement, quelques mois plus tard, accusé de tentative de coup d’État, au niveau d’Afriland, c’est le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Déogracias Mutumbo, qui, dès le lendemain de la suspension d’Abary, prend une décision annulant la suspension du directeur général. Il va plus loin, il retire l’agrément du président du Conseil d’administration. Pour dire… « quelqu’un de très haut doit avoir été très énervé ! »
Le mois qui a suivi, à peine installée, la nouvelle gouverneure de la BCC, Malangu Kabedi Mbuyi, va placer au sein de l’Afriland une équipe de surveillance rapprochée de la BCC à qui elle assigne comme mission d’« accompagner la banque dans la correction des failles », qu’elle aurait constatées, peut-on lire dans sa correspondance.
C’est cette décision, presque risible, qui a fait dire aux analystes que l’intention de ceux qui tirent les ficelles est ailleurs.
Heureusement pour Afriland, il n’y a pas des crimes parfaits. Sinon, comment comprendre que toujours pendant le mois d’aout 2021, alors que Malangu Kabedi Mbuyi met la banque sous perfusion à cause des failles, ses propres services de communication publient un rapport de la situation du marché bancaire rd-congolais dans lequel Afriland First Bank CD occupe la 7ème place, sur un total de 15 banques commerciales, avec 9,12% des parts de marché du crédit et de 3,3% des parts du marché des dépôts ?
Toujours dans le même rapport, on peut lire que les fonds propres d’Afriland s’élèvent à 48,05 millions USD et que la situation est largement satisfaisante, car sur un total de 15 banques opérant sur le marché rd-congolais, 7 sont loin du minimum de fonds propres requis, fixé à 30 millions USD.
En d’autres mots, en aout 2021, les dignitaires du régime en place en RD Congo et leurs complices avaient déjà pris le contrôle d’Afriland via la BCC. Indice : l’équipe de Malangu participe à la gestion quotidienne de la banque qui est « tenue de transmettre à la mission journalièrement les états de clôture des caisses de la veille, notamment les bordereaux de clôture de chaque caisse ainsi que les pièces comptables justifiant les différentes opérations passées par lesdites caisses.», on lit dans la correspondance de la gouverneure.
Coup sur coup
Le Conseil d’administration, qui n’a plus de président, convoque alors une réunion pour répliquer à la mise sous tutelle de leur banque. Vite, la BCC frappe encore. Pour elle, la réunion est invalide, car n’ayant pas réuni 100% de signatures des administrateurs. Quoi de plus normal, c’est elle qui a mis son président hors-jeu.
Cependant, l’argument de la BCC n’a, par ailleurs, aucun fondement, car les dispositions de l’OHADA fixent cette exigence aux 2/3 des administrateurs. Mais… l’argument du plus fort !
Quand le conseil d’administration lui oppose cet argument, elle prend du recul, le temps de trouver un autre stratagème.
Une autre réunion du conseil d’administration est convoquée pour le 4 novembre 2021, avec pour ordre du jour la nomination d’un nouveau DG et DGA. Informée, la BCC sort une nouvelle carte : 6 jours avant la réunion, 3 administrateurs d’Afriland sur les 5 restants vont se voir simultanément retirer leurs agréments. Donc il n’en reste plus que 2 au sein du conseil d’administration, moins de 2/3. Le coup de massue est porté.
Épreuves de force
C’est ici que la saga prend d’autres dimensions. Deux mois et demi après sa réhabilitation, des confrères camerounais annoncent la mort, dans les conditions suspectes, d’Abary, lui-même d’origine camerounaise. Il est tout de suite remplacé par son adjoint, Patrick Kafindo. Cependant, ce dernier, jugé lui aussi impliqué dans des coups, est récusé par les actionnaires majoritaires, en janvier 2022. La banque vient d’être décapitée….
Comme on pouvait s’attendre, les autorités rd-congolaises n’ont pas non plus tardé à sortir leurs griffes, comme avec Abary. Mais cette fois-ci, la gouverneure de la banque centrale trouve une nouvelle stratégie : accuser le chien de rage, pour le noyer définitivement.
Dans une correspondance datée du 17 mars 2022, Marie France Malangu Mbuyi informe les actionnaires majoritaires qu’à l’issue de deux audits menés respectivement par les services de la BCC et le commissaire aux comptes, l’Afriland affichait un besoin de 90 millions de dollars américains en fonds propres.
Ces rapports d’audit, que personne n’a vu, selon toutes les sources consultées par cfinances.info, même pas les actionnaires qui d’ailleurs exigent sa publication, vient contredire le rapport publié par la BCC, elle-même, au sujet de la situation du marché bancaire rd-congolais dans lequel Afriland First Bank CD occupait la 7ème place sur un total de 15 banques commerciales.
La réaction de la maison mère de la Banque ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié le 6 juin 2022 par son vice-président, Jean-Paul Kamdem, Afriland First Group exige un audit contradictoire dont elle est prête à financer sous l’observation de la BCC afin de prouver que l’état financier de l’institution n’est pas tel que présenté .
Cependant, faisant le sourd d’oreille, la gouverneure met en place un plan de sauvetage des épargnants rd-congolais. En juillet 2022, elle nomme un nouveau conseil d’administration provisoire qui dispose d’un délai de 180 jours pour établir un plan de redressement. Mais la boucle? Elle n’est pas encore… bouclée !
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