RDC : la guerre, le M23, le Rwanda, l’Ouganda… la RDC paie des mauvais choix économiques de son gouvernement ? (Rapport)
Le rapport est accablant, voire choquant… C’est le moins que l’on puisse le dire. Tout esprit averti pouvait l’anticiper, sauf le gouvernement de Kinshasa. Des centaines, voire milliers de morts de plus pour rien. La cause… nouvelle, le gouvernement de la RD-Congo a mis officiellement entre les mains des bourreaux les richesses de son pays. Paradoxe ! C’est ce qu’on lit, entre les lignes, dans le document rendu public par le Groupe d’étude sur le Congo et Ebuteli ce mardi 14 juin 2022. Le titre déjà dit tout : « l’opération Shujaa de l’Ouganda en RDC : combattre les ADF ou sécuriser les intérêts économiques ? ».
L’invitation du pompier pyromane
Le gouvernement de la RD-Congo n’avait-il pas compris l’apport stratégique que son pays joue dans l’économie ougandaise depuis plus d’une décennie ? « En 2019, par exemple, les exportations formelles de l’Ouganda vers son voisin représentaient 156 millions de dollars ; les exportations informelles étaient encore plus importantes, d’une valeur de 330 millions de dollars, dont la majorité étaient des biens industriels. Cela fait de la RD Congo le plus grand marché d’exportation pour les exportations informelles ougandaises, représentant 62 % de toutes les exportations informelles, » peut-on lire dans le rapport.
C’est exactement pendant ce fort moment, fin 2019, de la floraison de l’économie ougandaise que la RD-Congo, par son chef de l’État, émet l’idée de la construction et modernisation de 1.182 Km de réseau routier principal la RD-Congo à l’Ouganda. Mais lorsque, Félix Tshisekedi fait cette promesse à Museveni le 10 novembre 2019, personne ne sait combien coutera ce grand projet et d’où viendra l’argent.
Il fallait attendre le 21 février 2020 pour que les deux parties réalisent qu’il faille aller par étape, c’est-à-dire construire immédiatement 223 km de routes dites prioritaires pour un coût total de 335 millions USD, le reste attendra. Selon cette entente, chacun apportera 20% des 335 millions USD et 60% viendra du privé. En octobre 2020, l’Ouganda finit par approuver seul un financement à la hauteur de 66 millions, donc 40% et, les 60% restant seront pris en charge par la société de mise en œuvre, la fameuse Dott Services. Le retrait tacite de la RD-Congo n’est pas du genre à plaire son partenaire. Qui pis est, même après le lancement officiel du projet, le 16 juin 2021, par les présidents de ces deux pays, les budgets de la RD-Congo pour l’exercice 2021-2022 ne prévoit pas ce financement.
Une porte ouverte au loup par le berger en chef
Pour l’Ouganda, cet investissement vient avec le contrôle du territoire de la RD-Congo par ses hommes armés. Comme pour dire, mon argent, mes hommes, même si le pays est vôtre. Voilà ce que les autorités rd-congolaises n’ont pas compris ou ont semblé négliger.
L’alibi est vite trouvé. Le 16 novembre 2021, 5 mois après le lancement officiel du projet, trois kamikazes attaquent Kampala et tuent au moins quatre autres personnes et blessent 37, dont 27 policiers. Un quatrième kamikaze est abattu. Le soir de l’événement, c’est le président ougandais Yoweri Museveni lui-même, en posture de chef des armées, qui déclare que ces assaillants-terroristes sont liés aux ADF et qu’il faille aller les dénicher en RD-Congo. Deux semaines plus tard, soit le 30 novembre 2021, l’armée ougandaise, l’UPDF lance officiellement les attaques contre en RD-Congo. Trois jours plus tard, c’est le début des travaux de construction de la route. Belle coïncidence, bien que le rapport se refuse d’affirmer que l’attentat de Kampala a servi de prétexte à la présence militaire ougandaise en RD-Congo, nécessaire pour la protection de son investissement routier. Mais le lien entre l’entreprise ougandaise Dott Services, l’entreprise militaire ougandaise en RD-Congo depuis des années et la famille du chef de l’État ougandais sont tellement clairs que nul n’est besoin de le démontrer.
Le Rwanda, par le M23, s’invite à la fête
Au même moment que le pouvoir de Kinshasa offrait ces opportunités à l’Ouganda, il convolait aussi en justes noces avec le Rwanda, le frère-ennemi de l’Ouganda qui depuis presque trois décennies se disputent les richesses de la RD-Congo. Finalement, le Rwanda n’a pas supporté les relations adultérines RDC-Ouganda.
Ce nouvel épisode violent commence, selon le rapport, avec le discours du général ougandais, Kayanja Muhanga, prononcé, quelques jours avant une grande attaque du M23 le 23 mars 2022, lors du lancement officiel de la construction de la route Kasindi-Beni-Butembo. Selon ce général, cette construction qu’il venait de lancer ne s’arrêtera pas seulement à la route de Kasindi, mais se prolongera également sur Rutshuru-Goma. Alors que le Rwanda considère cette zone comme territoire cédé. Comme on peut lire dans le rapport que « plusieurs sources indiquent que ce discours a été vécu comme une provocation par le Rwanda. (…) les projets de construction de routes, en particulier la route de Rutshuru à Goma, sont également soupçonnés de constituer une menace pour la sphère d’influence du Rwanda dans l’est de la RDC. Un certain nombre de diplomates et d’analystes nous ont expliqué que cette route est considérée comme une ligne rouge par les autorités rwandaises, ce qu’elles ont clairement fait savoir à Kinshasa et à Kampala. »
Et pour envoyer le message fort à Tshisekedi, selon le rapport, Kagame réveille le M23 de son hibernation au grand dam de la population rd-congolaise et de son armée. Pire, Kampala, l’allié de Kinshasa, n’a des yeux que pour son investissement et ses gains, même lorsque le M23 attaque. « Soulignant les liens entre les routes et les opérations militaires, l’UPDF est alors intervenue pour protéger les équipements de Dott Services à Bunagana lors de l’attaque du M23 qui a suivi ce discours, » révèle le rapport.
Mais au-delà de tout, les mines restent au centre du grand projet de l’Ouganda, de l’agitation du Rwanda et surtout des erreurs du gouvernement de la RD-Congo, Sakima, qui a fait objet de plusieurs articles de cfinances.info est le cas le plus éloquent.