RD-Congo : Ram, plus forte que les institutions, la population de Bukavu s’offre de la démolir !
En Rdcongo, personne ne savait jusqu’où les bénéficiaires de la redevance sur les appareils mobiles, le Registre sur les appareils mobiles – RAM, pouvaient aller. Même leur refus d’obtempérer à l’ordre du parlement portant suppression de ce prélèvement puisqu’illégal, n’avait fait réagir la population. Mais l’arrestation le mercredi 26 janvier dernier du greffier Ngoy Jules du Tribunal de commerce pour avoir notifié une sommation judiciaire à la requête des citoyens congolais de stopper les prélèvements du RAM, aura été une goutte d’eau de trop…
Les couleurs sur ce qui pourrait être les lendemains pour cet illégal prélèvement viennent d’être annoncées, à partir de Bukavu, cette ville frondeuse d’où est parti l’échec du complot contre l’intégrité de la RD-Congo en 1998. Dans un communiqué parvenu à la rédaction de cfinances.info ce vendredi 04 février 2022, le bureau de la coordination de la société civile du Sud-Kivu informe l’opinion tant nationale qu’internationale de la tenue d’un mouvement de sit –in devant les sociétés de télécommunications sur toute l’étendue de cette province, le mardi 28 février prochain. Le mobile de cette manifestation est on ne peut plus clair : exiger la suppression de la taxe sur le Registre des appareils mobiles suivie du remboursement de toutes les unités déjà prélevées. « Cette taxe n’est reprise nulle part dans la loi des finances 2021, ni dans l’ordonnance fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central. La population du Sud-Kivu tout comme celle d’autres provinces en a ras-le-bol et c’est ainsi qu’elle en appelle au sit-in sur toute l’étendue du Sud-Kivu, sit-in au cours duquel un mémorandum adressé aux autorités nationales sera lu et déposé partout où se trouvent les bureaux et installations des sociétés Vodacom, airtel et orange afin de réclamer le remboursement de toutes les unités extorquées et l’annulation pure et simple de cette taxe odieuse sans contrepartie », peut-on lire. Adrien Zawadi, président du bureau de la coordination de la société civile du Sud-Kivu, qui a signé ce communiqué appellant toutes les forces vives à se mobiliser pour dire non à cette taxe.
Le ministre des PTNTIC, la farse et la famille
Selon Augustin Kibassa, le ministre des Pposte, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication – PTNTIC-, cette taxe instituée en 2020 permet aux services de son ministère de lutter efficacement contre les téléphones contrefaits et protéger les données téléphoniques de la population. A cet effet, un prélèvement annuel de 7 USD est effectué automatiquement auprès de tout détenteur d’un téléphone mobile connecté au réseau 3G ou 4G.
La somme perçue par Autorité de régulation de poste et télécommunication en RDCongo – l’ARPTC – , avec une clé de répartition préétablie de 70% pour cette dernière, 25% pour la firme C5 Energy qui encadrerait sa perception et 5% pour les sociétés de télécommunications-, pose déjà problème au niveau de la légalité de perception de ces recettes non – fiscales. Car ici, les compagnies cellulaires se sont vues octroyées la compétence « d’émettre de monnaie et moyen de payement sans l’autorisation de la banque centrale », accusent les autorités de cette institution monétaire. C’était dans leur avis contenu dans une lettre du 10 janvier adressée à l’administrateur délégué de la Fédération des entreprises du Congo – FEC -, Kimona Bononge, en réponse à son interpellation de la BCC sur la perception de RAM.
En outre, le décret n° 0058 du 27 décembre 1995 créant la Direction générale de recettes administratives, domaniales et de participation – DGRAD -, lui confère, entre autres attributions, l’exercice, de manière exclusive, de toutes les missions et prérogatives en matière d’ordonnancement et de recouvrement des recettes non-fiscales de l’Etat.
Le hic est que C5 Energy appartient, selon notre confrère LaLibre Belgique, à la famille Kibassa et Tshisekedi. Ce journal a révélé en décembre dernier que la sœur du ministre de PTNTIC, madame Isabelle Kibassa Madiba, elle-même Députée socialiste de la province du Brabant wallon en Belgique et, de surcroit, épouse de Jean-Claude Tshisekedi, grand frère du chef de l’Etat Congolais, Félix Tshisekedi, est la propriétaire de C5 Energy. Ceci explique cela… Isabelle a laissé son poste de parlementaire pour se concentrer à la manne RD-congolaise à travers le RAM. A la nomination de son frère à la tête du ministère de PTNTIC, elle va créer en Belgique une entreprise au nom de Best Consulting qui, à son tour va se muer en RD-Congo en novembre 2019, peu avant le lancement de RAM, en C5 Energy.
Les incohérences du ministre qui ne lâche pas prise
Cependant, devant les députés nationaux qui voulaient en savoir un peu sur les motivations de ce prélèvement, le ministre Kibassa Maliba n’avait manqué de vanter le bilan et les avantages de la taxe RAM, 6 mois après sa mise en œuvre. « Cette taxe a permis de collecter 25 millions de dollars au profit du Trésor public», avait déclaré Augustin Kibassa. Ce chiffre avait été contesté immédiatement par l’Observatoire de la Dépense Publique – ODEP – qui, de son côté avait évoqué plutôt 266 millions USD. Chiffre qu’un simple calcul confirme. Plus de 38 millions d’appareils ont été déjà enregistrés et identifiés au nombre desquels 26 millions d’appareils 2G et plus de 11 millions d’appareils mobiles 3 et 4G. Plus de 17 millions d’appareils originaux et uniques, 14 millions d’appareils clonés et 5 millions d’appareils conformes. Donc personne ne sait où le ministre tire lui ces 25 millions, mais on peut imaginer où part le reste de la somme.
L’ODEP a aussi fait observer que 40% des recettes revenant à l’État congolais ne sont pas retracées dans les budgets 2021 et 2022, avant d’appeler l’Assemblée nationale à plus de responsabilité. « Quelques individus ne peuvent pas collecter et utiliser en toute opacité 266 millions USD », peut-on lire dans le tweet de l’organisation. Dans un tableau des statistiques qu’elle a publié par le même canal, la structure indique que cette taxe qui fait débat n’est pas reprise dans les actes générateurs parmi les taxes de l’ARPTC incluses dans la loi de finances rectificative 2020, la loi de finances 2021 et la loi de finances 2022.
Le parlement RD-Congolais impuissant face à la famille au pouvoir
La commission économique et financière de l’Assemblée nationale va confirmer plus tard le constat fait par l’ODEP. En faveur de son examen du budget 2022, elle a déclaré n’avoir pas pu retracer les fonds générés par le RAM. Par conséquent, elle a recommandé au ministre de mettre définitivement fin au prélèvement opéré étant donné que ces ressources ne sont retracées ni dans le budget général, ni dans les comptes spéciaux. Il faut dire que cette décision de la représentation nationale concernait bien particulièrement les téléphones 3G et 4G, puisque tous les téléphones de la deuxième génération (2G) avaient déjà été exemptés de tout payement par le gouvernement. Cette décision a été validée vendredi 22 octobre 2021 au cours du conseil des ministres.
Néanmoins dans le fait, la perception du Ram continuait. Les demandes de l’assemblée nationale sur sa suppression n’eurent donc sur les bénéficiaires de cette redevance que l’effet d’eau sur le dos du canard. Entretemps, toutes les manifestations contre le RAM étaient systématiquement interdites par les autorités RD-Congolaises.
Quand la justice arrête ses propres agents pour plaire au chef
Malgré la pression et l’effort de musellement de ceux qui s’y opposent, le mois dernier, 8 compatriotes eurent sur eux de porter l’affaire devant le tribunal du commerce de Kinshasa – Tricom. Ils obtinrent gain de cause. Ainsi, le huissier et greffier Jules Ngoy, notifia aux opérateurs de téléphonies mobile une sommation judiciaire à la requête des citoyens congolais de stopper les prélèvements de Registre des appareils mobiles (RAM) auprès de la population. Action qui lui coûta une privation de liberté de 24 heures. Le greffier d’exécution du tribunal du commerce de la Gombe a été mis sous mandat d’arrêt provisoire le mercredi 26 janvier et conduit à la prison centrale de Makala. Il sera accusé par le parquet près le Tricom de faux en écriture pour la sommation faite aux compagnies cellulaires de cesser tout prélèvement du RAM. « Tous ceux qui s’indignaient ici pour l’injustice de la taxe RAM, vous savez ce qui vous reste à faire ou pas », avait réagi maître Hervé Diakiese, avocat des plaignants, sur son compte twitter. Un appel à la prise de conscience qui, au Sud-Kivu, n’est donc pas tombé aux oreilles de sourds.
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