RD-Congo : quand les autorités rd-congolaises certifient les minerais de sang !
On a eu tout en faux. Ni l’élection de Tshisekedi à la tête de la RD-Congo, moins encore l’état de siège décrété en mai 2021 n’a suffi pour endiguer le trafic illicite du coltan, de l’étain et du tungstène — trois minerais plus connus sous l’appellation « minerais 3T », cause d’une guerre de plus 20 ans qui sévit l’Est de la RD-Congo.
Bien au contraire, le réseau s’est solidifié depuis, révèle Global Witness avec des preuves accablantes en appui. Actuellement, les minerais de sang sont blanchis déjà en RD-Congo, avant même de traverser la frontière vers le Rwanda, grâce au processus de certification.
Ces réseaux de blanchiment impliquent des rebelles Congolais, passent par les pays voisins les plus impliqués (le Rwanda, l’Ouganda, et le Burundais) et leurs alliés et, impliquent des autorités locales tant bien militaires que civiles ainsi que celles de Kinshasa.
La certification, un processus miné
Il y a environ 10 ans, afin de couper les ressources financières aux groupes armés qui occupent des zones minières de l’est de la RD-Congo, l’ONU, la CIRGL et l’OCDE ont imaginé des mécanismes de traçabilité de minerais. A la suite de ces institutions et sur leur recommandation, la RD-Congo et le Rwanda ont mis en place un système de validation gouvernementale des mines qui consiste à certifier, pour exportation, les minerais « libres de conflit » extraits artisanalement et de façon responsable. Ce système est connu sous le nom de l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI).
Alors que la communauté internationale croyait bien faire, l’ITSCI a été elle-même, si pas créée par les supposés commanditaires des groupes armés qui sévissent dans l’est de la RD-Congo, mais entièrement contrôlée par leurs réseaux. L’année 2021 a été une aubaine pour ces réseaux, à en croire Global Witness.
Rubaya, fief de M23, et Lukoma temple des multiples groupes armés pourvoyeurs du Coltan
Parmi les révélations faites par Global Witness, deux territoires miniers ont attiré l’attention de la rédaction de cfinances.info : Rubaya dans le Nord-Kivu et Lukoma dans le Sud-Kivu.
En effet, Rubaya détient plusieurs mines qui, au fil des années, sont passées entre les mains des plusieurs groupes armés contrôlés directement par le Rwanda, dont le dernier est le M23. Rubaya intéresse ces rebellions pour une raison : au moins 15 % de la production mondiale de coltan y serait extrait !
Il faut rappeler ici une chose. Ces groupes armés ont curieusement cohabité avec plusieurs sociétés minières dont la Société minière de Bizunzu (SMB) et la Société aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA), cette société étatique que les autorités RD-Congolaises ont cédée au Rwanda.
Et depuis 2020, alors que la SMB a mis les clés sous le paillasson, on constate une quantité dix fois supérieure de coltan, déclaré par SAKIMA et certifié par l’ITSCI. On peut donc comprendre pourquoi SAKIMA intéressait tant Kigali. « Les estimations de référence d’ITSCI pour la production minière de SAKIMA, utilisées par le programme pour évaluer le volume de minerais à étiqueter, sont dix fois supérieures à celles d’une source de l’ONU pour certaines mines de la société — un écart probablement imputable aux minerais introduits illégalement dans la mine, » lit-on dans le rapport de Global Witness. Le graphique ci-dessous est éloquent à ce sujet.
Mais la question demeure d’où provient ce surplus de production ? La réponse est on ne peut plus clair dans le cas de Lukoma et ses environs dans le Sud-Kivu.
Prenons l’exemple du centre de négoce de Nzibira, non loin de la zone rebelle de Lukoma où pullule les mines contrôlées par des groupes armés. Ce centre représente près de 10 % des minerais étiquetés dans la province du Sud-Kivu en 2020. On peut lire dans le rapport qu’« au premier trimestre 2021, la production des mines validées de la zone de Nzibira représentait moins de 20 % des quelques 83 tonnes de minerais 3T étiquetés localement. Les entretiens menés avec des fonctionnaires, des négociants, des exploitants et d’autres acteurs confirment que la majeure partie des minerais étiquetés proviennent de mines non validées situées sur les territoires voisins, y compris des mines occupées par des milices et mobilisant fréquemment le travail d’enfants. »
La ministre des mines indexée
Le rapport va plus loin en affirmant que « l’une de ces mines, Lukoma, est occupée par une milice faisant usage de la force contre la population locale. Elle force les exploitants artisanaux à y travailler sans rémunération et prélève une taxe aux négociants. Il semblerait que le ministère des Mines y étiquette les sacs de minerais tout en ayant connaissance de cette taxe illégale. » Et cette ministre n’est autre qu’Antoinette N’Samba Kalambayi de l’UDPS, du parti du président Félix Tshisekedi.
Lorsqu’on sait que les mines du Sud-Kivu sont entre les mains d’une cinquantaine de groupes armés locaux et étrangers tels que Bede, Simuzizi, Karakara, Gumino, Twirwaneho, Maï-Maï Mulumba, Ebwela, Yakutumba, Biloze Bishambuke, Kijangala, Buhirwa, pour ne citer que ceux-là, il y a de quoi dire que l’ITSCI est un processus mis en place, en complicité avec les autorités RD-Congolaises , pour faire entrer sur les marchés internationaux les minerais 3T dont les métaux issus de leur fusion sont très largement utilisés dans les équipements électroniques comme les téléphones portables, les ordinateurs et les systèmes automobiles ou aéronautiques.