RD-Congo : les partis politiques et l’enrichissement sans obligation fiscale
La politique en RD-Congo n’a pas cessé de surprendre. La rédaction de cfinances.info s’est intéressée à la recrudescence du phénomène de monétarisation des partis politiques en RD-Congo. Contrairement à la loi portant organisation et fonctionnement de partis politiques en RD-Congo, ces structures sont devenues des vraies génératrices de revenu pour leurs animateurs, comme il en est de tout autre entrepreneur, mais pour ceux-là, sans aucune obligation fiscale. Des habitudes décriées par la population déjà à la fin du régime de Mobutu qui symbolisait la corruption en soi, « le fameux mal zaïrois », reconduit par Joseph Kabila avec le tristement célèbre Parti Pour la Reconstruction et le Développement « PPRD » et perpétué aujourd’hui par l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social « UDPS » au pouvoir depuis 3 ans.
Le clientélisme facturé en dollar américain
Dans cette première de la série, les enquêteurs de cfinances.info se sont intéressés à UDPS, le parti du chef de l’État en RD-Congo.
Au sein de l’un de plus ancien parti de l’opposition de la RD-Congo, arrivé au pouvoir depuis 2019, tout a un prix à tel point que la poursuite du lucre et de sa conservation a remplacé celui du pouvoir. Ici tout a un prix : les postes, les nominations, voire les candidatures.
Le ton a été donné lors du congrès du parti qui a inauguré l’ère de Félix Tshisekedi, nous raconte ses députés. « Nous avons été contactés par les représentants du groupe de Bruxelles venus avec le fils d’Etienne Tshisekedi, Félix Tshisekedi. Ils nous ont dit que pour avoir siégé au parlement entre 2012 et 2018 contre les instructions du parti, nous devrions payer chacun 5.000 USD pour être repris sur la liste de candidats du parti aux élections de 2018. Après négociation, nous nous sommes convenus à payer 2.500 USD. Et cet argent est parti directement dans la poche d’une demi-dizaine d’individus », dit le député, avant d’ajouter, « malgré ce paiement, certains de nos collègues n’ont pas vu leur nom sur la liste. »
Et pourtant, la loi portant organisation des partis politiques ne prévoit que cinq sources de provenances de ressources qui sont : (1) les cotisations des membres, (2) des dons et legs, (3) des revenus réalisés à l’occasion des manifestations ou des publications, (4) des opérations mobilières et immobilières et (5) des subventions éventuelles de l’État.
Contactés par cfinances.info, le ministère de l’intérieur n’a pas pu dire sous quelle rubrique classe-t-il les ventes de candidatures dans les partis politiques. Pire, un des conseillers du ministre, lui-même de l’UDPS, qui a reconnu la pratique s’est contenté de dire que des telles pratiques n’engageaient que leurs auteurs et non le parti.
Le business du « siège » du parti
Nos reporters se sont rendus à Limete 12ième rue, le siège de l’UDPS, pour vérifier les faits. Sur place, une autre grogne est en gestation. Une autre vente des candidatures venait d’avoir lieu, toujours sans garantie de rendement.
Une soixantaine de candidats gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces auraient payé chacun 1.000 USD à une certaine Gisèle, bras droit du secrétaire général du parti, pour être repris sur la liste du parti aux scrutins à venir.
Cependant, la direction de l’UDPS ayant un problème de légalité, la liste de son secrétaire général, pour laquelle il avait déjà obtenu le magot, a été rejeté par la commission électorale. Les candidats, obligés de se présenter comme indépendants décident d’exiger remboursement. Malheureusement, sans succès. « J’ai laissé mon travail en occident depuis que cette affaire de candidature a commencé. J’ai dû vendre à vil prix la maison que je construisais à Masina pour mes parents afin de satisfaire la gloutonnerie des cadres de ce parti qui me promettaient d’être le seul candidat sur la liste au nom de l’UDPS et de l’Union Sacrée. Non seulement que je suis maintenant repris comme indépendant, je dois aussi faire face à d’autres candidats UDPS et Union Sacrée », raconte un des candidats qui exige le remboursement de son argent avant de commencer à citer des noms et à mettre sur la place publique les images et autres sons qu’il clame détenir sur les actes qu’il dénonce.
Recours aux bienfaiteurs externes
A l’UDPS, cette pratique ne se limite pas qu’au pays. L’appel de fonds se fait jusqu’à l’étranger en violation de la loi qui interdit, sous peine de dissolution, aux partis politiques de recevoir directement ou indirectement un soutien financier ou matériel provenant d’un État.
En effet, à la question de savoir si ce parti tient une comptabilité et un inventaire de ses biens meubles et immeubles conformément à la législation et, précisément, s’il a présenté ses comptes annuels à l’administration compétente et justifié, le cas échéant, la provenance de ses ressources financières, les autorités du parti n’ont pas beaucoup de réponses. Le seul bien à leur actif semble être le siège du parti.
A la question de savoir la source de financement à l’origine de l’achat du siège, nos reporters ont été surpris d’apprendre qu’à la fin de la campagne électorale de 2011, le président de ce parti aurait reçu une enveloppe du président angolais de l’époque, Edourdo Santos, qui lui aurait envoyé, à titre de soutien. Cependant, la campagne arrivée à sa fin, cette somme aurait servi à l’achat du siège du parti.
Lorsque qu’on demande sous quel nom est enregistré le titre de propriété dudit immeuble, l’incommodité est visible. Hors micro, on apprend que c’est un defils dudit président qui aurait négocié l’achat du siège et, par conséquent, aurait mis le titre en son nom. Au niveau du fisc, aucune déclaration de revenu n’a été fait, ni du côté de l’UDPS. Comme pour dire l’État de droit a encore besoin de plus du temps pour susciter l’amélioration de l’imposition sur les revenus et la réglementation des avoirs des partis politiques et de leurs animateurs, un héritage bien triste du mobutisme que les congolais peinent à éradiquer.