RD-Congo : l’encours de la dette passe de 5 milliards USD fin janvier 2018 à 8,1 milliards USD à fin janvier 2022
Moins de trois ans seulement après l’investiture de Félix Tshisekedi à la Magistrature suprême, « l’encours de la dette publique en fin 2018 qui était à 5 milliards de dollars américains dont 3,2 pour la dette externe et 1,8 milliards pour la dette interne, se chiffre à fin 2021 déjà à 7 milliards de dollar US dont 4,6 milliards pour l’externe et 2,4 pour l’interne » , renseignait la Direction générale de la dette publique – DGDP- dans son dernier communiqué y relatif.
Mais pointilleuse sur la matière, cfinances.info a voulu savoir sa hauteur exacte, trois ans après l’exercice du pouvoir par le nouveau régime. Sa recherche n’a pas été vaine : « Le service de la dette se situe actuellement autour de 8,1 milliards Usd, représentant 14,6% du PIB », nous assure une source proche du ministère des finances qui a requis l’anonymat. « Le chiffre de 8 milliards de dollars américains est bon», a réagi le professeur Muteba, directeur général de l’Observatoire de la dépense publique, ODEP, en réponse à la question de notre rédaction. Les faits semblent lui donner raison.
Lors de sa récente sortie médiatique, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a fait savoir que l’enveloppe totale de différents projets de la Banque Mondiale se chiffre actuellement à 5 milliards de dollars américains, ce qui représente une progression de 400 millions USD par rapport au chiffre pré-cité, déclaré par la DGDP. Avec l’annonce du ministre de la fonction publique, Jean-Pierre Lihau, faite en janvier dernier, portant inclusion de plus de 22.000 nouvelles unités et fonctionnaires non-payés dans la liste de paie dès le premier trimestre de cet exercice budgétaire, une partie de l’argent ajouté à la dette peut, par ailleurs, y être repérée. Il y a aussi des engagements du gouvernement pour l’amélioration des salaires des magistrats, des professeurs d’universités mais aussi des agents et cadres de la fonction publique.
Des dettes pour soutenir la balance de paiement déséquilibrée par une gestion budgétaire laxiste !
Comparé à Joseph Kabila qui a laissé le pays avec 5 milliards USD de dette en 18 ans du pouvoir, Félix Tshisekedi passe pour celui qui aura rapidement fait endetter le pays. Avec lui en effet, l’encours de la dette du pays a connu un bon de 62%, soit une augmentation d’environ 20% l’an, représentant en gros 1 milliard USD pour chaque année de ses trois ans d’exercice du pouvoir. Mais le comble est que toutes ces dettes ne sont essentiellement contractées que pour soutenir la balance de paiement. Pire, elles n’ont pas été, par ailleurs, canalisé vers des investissements productifs.
On retrouve notamment dans le lot, 217 millions USA du FMI au titre de la Facilité de crédit élargie – FCE – décaissés en juillet 2021 et 1,5 milliards USD représentant la part du pays dans les Droits des tirages spéciaux – DTS – de l’institution multilatérale. Ajoutez à cela les 5 milliards USD de l’enveloppe totale des projets financés par la Banque Mondiale, dont l’impact sur terrain est fort discutable.
De l’avis de plusieurs experts, ce déséquilibre de la balance du paiement fait suite notamment à la gestion budgétaire laxiste observée depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême. Mais aussi à sa politique économique, « inadéquate par rapport aux attentes de l’alternance », caractérisée par des programmes plutôt grands consommateurs que générateurs de recettes. Pour l’expert maison de cfinances.info en macroéconomie, l’alternance intervenue au sommet de l’état devait résoudre deux types de problèmes principaux laissés par le règne de Kabila. Il y a en premier lieu l’impunité, incluant l’arrêt notamment de la gabegie financière constatée sous le règne de ce dernier, et, en second lieu, l’inclusion de la croissance économique.
A ce sujet, il sied de reconnaitre que l’avènement de Joseph Kabila au pouvoir avait notamment mis fin à la « déglingue économique totale ». Allant de 1990 à 2001, ces années ont été marquées par le retour très prononcé des taux de croissance négatifs favorisés par les facteurs suivants : l’effondrement de la Gécamines, les vagues de pillages de septembre 1991 et janvier 1993, les retombées de la réforme monétaire de 1993, l’instabilité politique consécutive au processus de démocratisation et les conséquences fâcheuses de conflits armés en 1996 et 1998. De fait, avec Kabila, la RD-Congo avait renoué avec les taux de croissance positifs frôlant parfois les deux chiffres.
L’avènement de Tshisekedi allait permettre de résoudre des problèmes de Kabila, mais hélas !
Aux dires des experts, le règne de Kabila représente la plus longue période de croissance jamais connue depuis que la RDC existe. Souci majeur cependant comme dit tantôt : cette croissance n’était aucunement inclusive, n’était pas ressentie au niveau notamment du panier de la ménagère. « Au cours de dix dernières années (2010 – 2019), la Rdc a enregistré une croissance économique régulière de près de 6,5% sur la période, dépassant la moyenne des pays de l’Afrique subsaharienne, malgré le contexte défavorable marqué par la volatilité des cours des matières premières au niveau international et les tensions politique et sécuritaires intérieures », reconnait l’actuel régime dans son programme dit développement des 145 territoires de la RD Congo. « Cette forte dynamique de croissance portée principalement par les secteurs extractifs n’a pas été suffisamment créatrice des revenus et ses fruits n’ont pas été non plus bien rétribués pour améliorer significativement les indicateurs socio – économiques du pays et impulser une dynamique de transformation structurelle de l’économie du pays, pourtant nécessaire à la hausse de la productivité globale et à l’amélioration des salaires et partant, des conditions de vie des populations », regrette – t- il.
L’avènement de Félix Tshisekedi devait donc permettre au pays de rendre inclusive sa forte croissance économique avant de faire accéder la Rdc au niveau des Pays à Revenu Intermédiaire. Des experts estiment que cela passe premièrement par la mise en œuvre des réformes au niveau des finances publiques. Avec notamment l’opérationnalisation de la Cour des comptes, la suppression des exonérations et le recensement fiscal. L’opérationnalisation de la cour des comptes mettrait fin à la gabegie et à la mauvaise gouvernance financière permettant in fine au pays de profiter de ses immenses ressources financières mises à mal par des réseaux maffieux tant à l’interne qu’à l’extérieur du pays. La deuxième mesure ferait rentrer aux comptes du Trésor plus d’un milliards de dollars américains par an, selon les estimations de Gec (Groupe d’études sur le Congo) et, enfin, la troisième mesure allait permettre notamment l’inclusion du secteur de l’économie informelle dans le formel, ce qui ferait accroitre considérablement le nombre d’assujettis à l’impôt (le faisant passer de 177. 000 actuellement à au moins 2 millions). Il faut dire que dans le lot de ces mesures préconisées au lendemain de la mise en œuvre de la Lofip (Loi sur les finances publique) en 2011, il y avait aussi celle portant numérisation de la chaine de recettes, après celle de dépenses en 2004. Une mesure qui devait accroitre considérablement les recettes, la page de la manipulation humaine des recettes à la base du coulage et de la minorisation ayant été définitivement tournée. Notamment que le logiciel de numérisation de recette dénommée « Isis – Regis » est opérationnel depuis 2021, après trois ans d’expérimentation. Cette opération a produit des résultats escomptés, à savoir : le doublement voire le triplement de recettes observées au niveau de nos administrations fiscales.
Mais le nouvel homme fort ne voyait pas les choses sous cet angle – la !
Mais voici que Félix Tshisekedi arrive au pouvoir. Il commence directement son mandat avec le début d’exécution du budget 2019. Dans les réserves de change, une rondelette somme estimée à 6 semaines d’importations (1, 4 miimlliards Usd). Au regard des réformes attendues, le bon sens exigeait à ce que l’on fût compréhensif, surtout que l’année 2020 était déjà annoncée comme celle de la récession de l’activité économique au niveau mondial, il fallait que le pays manifestât assez de patience avant de voir le début de réalisation de ses promesses notamment sociales. Ce qui était d’ailleurs le cas. Mais le nouvel homme fort de Kinshasa ne voyait pas les choses sous cet angle. Sans rien réformer, sans apporter le moindre changement dans la capacité mobilisatrice du pays, il se comporta comme si tout était ok au niveau de finances publiques. En plaçant volontiers la charrue avant le bœuf !
En effet, alors que le budget était toujours celui que l’on connaissait (4 milliards USD), alors qu’aucune réforme n’était encore effective, le « fils du Sphinx » engagea le pays dans une série de dépenses extra – budgétaires que la Caisse ne pouvait supporter ! En violation flagrante de la Constitution et des lois du pays, il lança son fameux programme d’urgence dit de 100 jours (470 millions USD qui ont été dilapidés), ordonna en même temps une opération militaire d’envergure à l’Est afin d’en venir à bout aux tueries répétitives à cette partie du territoire national (la guerre étant par nature budgétaire). On ne citera pas ses très nombreux déplacements à l’extérieur du pays à contenu purement touristique, qui couta au trésor une aussi grande fortune que le Premier ministre Ilunkamba finit par déclarer publiquement qu’il arrête. En vue de donner plus de chances à son gouvernement, dans ses négociations en vue d’un programme formel avec le FMI. On ne citera pas non plus le triplement de l’effectif à la présidence de la république suivi de la multiplication par trois de leurs salaires (par rapport au barème laissé par Kabila).
Les effets combinés de toutes ces opérations prirent naturellement les réserves de change au cou. Avant de les achever presque par le lancement de la gratuité de l’éducation de base (une réforme évaluée à 2,5 milliards Usd), avec à la clé le triplement de salaire de l’enseignant suivi de l’insertion, dans la liste de paie de l’état, de très nombreux enseignants qui étaient directement supportés par les parents. Conséquences : les lignes du budget implosèrent entraînant in fine un déficit de 500 millions de dollars américain à la fin de l’année 2019. Cette gestion budgétaire laxiste, combinée aux effets pervers de la pandémie de coronavirus, avait naturellement abouti à des déficits quasi – importants du cadre macro – économiques, manifestes à travers les faits suivants : la dépréciation du franc congolais face au dollar américain, la flambée des prix sur le marché, le recul du PIB, une croissance négative de – 1,7% et une balance de paiement déficitaire.
Au bord de la faillite, le pays a eu la vie sauve grâce l’intervention du Fmi. Pour remédier à cette situation et permettre au pays de consolider les résultats à court terme de son assistance, cette institution financière lui prescrit un certain nombre de mesures. Comme : la diminution du train de vie des institutions, l’élargissement de l’assiette fiscale et les dépenses sur base caisse.
A ce tableau marqué par l’absence de toutes règles en matière d’orthodoxie financière
De ces trois mesures, seule celle portant élargissement de l’assiette fiscale avait été en partie mise en œuvre, notamment avec l’imposition de l’IPR (Impôt professionnel sur le revenu) de 15% à tous les agentes et fonctionnaires de l’état. Après plus d’une année d’application, ce taux toujours contestée par l’intersyndicale de la fonction publique sera cependant revu à 3% dès juillet 2022, selon l’accord conclu en décembre passé entre le gouvernement et ce banc syndical. Dans le même registre, on rangera aussi la baisse de recettes provenant du secteur de transport aérien, consécutive à une mesure y afférente prise en août 2021 par le ministère sectoriel. Quant aux restes, le régime continue de faire comme si de rien n’était.
Les trains de vies des institutions continuent de capter le gros de ressources budgétaires et cela, avec une voracité atypique caractérisée par des dépassements vertigineux de crédits budgétaires leur alloués. Les dépenses en rémunérations et en capital prennent toujours la part du lion par rapport à celles liées aux investissements. A ce tableau marqué par l’absence de toutes règles en matière d’orthodoxie financière, s’ajoute la corruption et autres maux de gestion décriés sous Kabila. C’est dire à quel point l’alternance n’a jusque-là rien apporter de substantiel. Sinon, des dettes pour soutenir des programmes plutôt consommateurs que générateurs de recettes, que les générations futures se chargeront de… solder.