RD-Congo : le chaos à la Banque Centrale
Il n’était question que de temps, disent les agents de la Banque Centrale de la RD-Congo (BCC), pour que le pire arriva ! La haute direction de l’institution qui gère la monnaie et la politique monétaire de la RD-Congo vient d’ajouter la goutte d’eau qui manquait pour faire deborder le vase. Malheureusement, contrairement aux nombreux cas de débordéments repertoriés depuis l’arrivée de la nouvelle gouverneure, Madame Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi, à la tête de la BCC, ce flot a failli emporter ses propres agents. Une surtaxation du salaire qui annihile quasiment le revenu mensuel de certains travailleurs.
Trop d’impôts tue l’impôt… voire le salaire !
Dans un audio parvenu à la rédaction du journal cfinances.info, la gouverneure reconnait qu’à la suite des reformes prises et approuvées par la haute direction, dans le cadre du budget de la BCC 2022, les travailleurs de la banque ont quasiment perdu leur salaire net.
En effet, Marie-France Malangu veut reduire et nettoyer les dépenses de la BCC tout en se conformant à la loi de l’impot sur le revenu en RD-Congo. La question qui fache, cependant, c’est la manière dont elle s’y est prise.
Pour l’année 2022, la nouvelle bosse a rendu imposable tous les traitements, les salaires, les gratifications, les primes, les jetons de présence et toutes autres rétributions fixes ou variables, quelle qu’en soit leur qualification, que reçoivent les agents de la BCC.
Et pourtant, ses prédécesseurs, face à l’inflation et à l’instabilité monétaire qui caractérisent la RD-Congo, avaient créé plusieurs primes non imposables afin de garantir une stabilité de revenu aux employés. Avec le temps et la fluctuation, ces primes représentent parfois plus de la moité du salaire net.
Marie-France Malangu verrait les choses autrement. Comme le révèle les différents bulletins de paie consultés par la rédaction de cfinances.info, elle met dans les mêmes sacs des primes liées aux tâches habituelles réalisées en fonction des postes occupés, des primes payées aux agents siégeant de manière pérenne dans les commissions statutaires – telles que la commission de discipline, la commission d’avancement en grade, etc., – des primes payés aux agents siégeant dans des commissions sui generis créées par rapport aux besoins immédiats liés fonctionnement de l’entreprise…. Mais aussi, ce qui choque, certaines primes que les employés, en vertu de la loi, pensaient être immunisées d’impôt se retrouvent prises en compte par la nouvelle nomenclarure. C’est le cas des indemnités ou allocations familiales réellement accordées aux employés, des indemnités et avantages concernant le logement, le transport et les frais médicaux, etc.
Quand la bonne foi et légalisme s’anéantissent
Plusieurs agents ont reconnu la volonté de bien faire de la nouvelle gouverneure, raison pour laquelle ils veulent lui donner une chance. Mais cette bonne foi ne suffit pas en elle-même. Il y avait matière de reformer progressivement certaines primes, voire les supprimées. C’est le cas de celles payées aux agents qui siègent dans des commissions sui generis qui se sont muées en commissions permanentes alors que les besoins de leur mise en place n’existent plus.
Par ailleurs, bien que lors de la session budgétaire 2022, la gouverneure aurait proposé l’augmentation salariale de 8% pour l’année 2022, par rapport à l’annuité acquise de 5%, il lui est reproché de ne pas tenir compte, dans le calcul du salaire, de la réalité de l’entreprise. En rendant imposables certaines primes, qui les devaient ou pas légalement, la quasi-totalité des employés de la banque a directement changé du jour au lendemain le barème d’imposition, surtout pour ceux dont les primes non imposables représentaient plus de la moitié de leur rémunération.
Bouc émissaire.
Se retrouvant avec la patate chaude, la gouverneure accuse sa direction des ressources humaines d’avoir commis des erreurs de calcul. Les responsables de cette direction, contactés ce dimanche 23 janvier 2022 par cfinances.info, s’étonnent des justifications avancées par leur patronne. Pour eux, les conséquences des décisions hâtives et très tranchées de la gouverneure étaient prévisibles. « Dire que c’est une erreur de calcul commise par nous, c’est exposer le prestige de notre institution en la déclarant incapable de bien calculer la rémunération de ses propres employés. On se demande si la gouverneure mesure l’impact d’une telle déclaration. Le problème c’est la gouverneure et son staff qui pensent réinventer la roue. Une telle reforme, si elle devait être implémentée, ne pouvait l’être que progressivement. Elle affecterait moins la vie des employés »
Certains vont plus loin dans leur réaction. Certes, ils ne doutent de la compétence de la gouverneure. « Fille de la maison, la gouverneure a une expérience avérée après sa longue carrière professionnelle au sein du Fonds monétaire international. Le problème est qu’elle n’a pas la main libre pour conduire la politique de la BCC. Le ministre des Finances a une très grande influence sur elle. Son directeur de cabinet présente des lacunes très graves dans le traitement des dossiers. Il passe son temps à comprendre les matières jusqu’à se trouver avec des montagnes des signataires pourtant urgentes, » confie un agent des ressources humaines raconté sur place à la BCC par cfinances.info.
Cette fois-ci, Marie-France Malangu a su tirer son épingle du jeu. Pendant tout le weekend, elle a pu mobiliser tous les services liés à la paie des agents de la banque afin de corriger le tir et d’étouffer la grogne, voire la grève en gestation… Mais pour combien de temps encore ?