Promesse de relancer la MIBA, une autre poudre de perlimpinpin de Tshisekedi aux siens ?

Comme on pouvait s’attendre, la présence du chef de l’État congolais, Felix Tshisekedi, dans le Kasaï, d’où il est originaire, ne pouvait que s’accompagner des grosses promesses, comme il en a fait ailleurs. A l’allure d’une campagne électorale, bien qu’à mi-mandat, le discours du chef de l’État du 24 décembre 2021 a choqué les uns, qui l’ont trouvé identitaire, voire séparatiste, mais a plu aux autres qui ont vu en lui le père Noel avec son renne qui tirait un traineau plein cadeaux, en termes de promesse, qu’il a distribué à profusion aux kasaïens. Le plus grand de ces cadeaux c’est la relance de la Minière de Bakwanga (MIBA) qui fut autrefois l’un des fleurons de l’économie nationale.

« J’ai suivi vos pleurs, vous pleurez pour les souffrances, vous pleurez pour la faim, vous pleurez pour la MIBA, vous pleurez pour l’électricité, vous pleurez pour l’eau. J’ai suivi tout ça. Je suis venu vous dire que j’ai suivi le problème de la MIBA. Je vous promets que nous allons relancer la MIBA. Notre MIBA sera relancée parce que la MIBA a encore des richesses. Les personnes de mauvaise volonté avaient ravi cette richesse pour créer la société chinoise qu’on appelle SACIM », a annoncé Tshisekedi lors de son meeting populaire à Mbuji-Mayi.

Ce discours de Tshisekedi fait douter plusieurs analystes soit de sa sincérité, soit de sa vraie intention, soit simplement de la maitrise de la situation réelle de la MIBA.

Comme le montre notre article « Quand la mafia autour de la Miba applaudit le discours de Tshisekedi sur SACIM » ne traduit aucunement la réalité. La Miba est victime de la mauvaise gestion et de la prédation organisée par le pouvoir de Kabila et qui continue sous celui de Tshisekedi.

Les hommes forts du régime veulent aussi les mines comme leurs prédécesseurs

Il faut d’abord se rappeler que l’intérêt du gouvernement de Tshisekedi pour la MIBA ne date pas de ce voyage de 2021 au Kasaï. Bien au contraire. En effet, alors que l’État a toujours détenue à 80% des parts de la MIBA, et la belge SIBEKA 20%, et cela depuis des années 60, en février 2020, le chef de l’État congolais, Felix Tshisekedi a voulu changer cette tendance en faveur des privées.

Son gouvernement va procéder à la signature d’un accord de joint-venture entre la MIBA et la firme roumaine AM Développements International, spécialisée en construction et exploitation minière. Selon ce qui a été filtré, à l’époque, de cet accord, la Miba possèderait des actions à 49% et 51% reviendraient à la firme roumaine représentée par un proche du chef de l’Etat, l’homme d’affaire Serge Kasanda dit, serkas.

Une levée de boucliers s’en est suivi. D’abord, c’est le FMI, au nom de la transparence, notamment dans le secteur minier, qui va exiger la publication de ce contrat. La demande du FMI sera relayée à l’interne par la Coalition pour la Gouvernance des Entreprises Publiques du secteur extractif (COGEP). Finalement cet accord sera mis sur la place publique pour ne pas voir certains programmes salvateurs du FMI s’arrêtés ou être retardés.

A la lecture du contrat, voire l’annexe, on comprend pourquoi, pointe au cœur, le gouvernement a eu du mal de le rendre public. Pour 180 millions USD, dont 30 millions payable à la signature, ont suffi à AM pour acquérir 51% du massif 1 de la Miba et 60% de tout le massif de Bena Kabimba. La nouvelle société à naitre devrait réaliser les opérations de recherche minière, d’investigation géologiques, d`études de faisabilité, de développement et d’exploitation des gisements diamantifères. A ce jour, plus personne ne parle de ce contrat, pourtant signé. Une épée de Damoclès presqu’invisible.

Depuis le début de l’année 2021, l’affaire AM oubliée, on parle maintenant de la relance de la MIBA, mais tout le monde ignore comment le gouvernement compte vraiment s’y prendre. Des chiffres ont été avancés, pas moins de 350 millions USD pour que cette société reprenne effectivement ses activités. Alors que tout le monde attendait que le budget 2021-2020 mette cette relance au centre de son programme, dans son allocution devant la représentation nationale, le premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde a mis la MIBA sur une longue liste de projets à réaliser avec le peu d’argents que dispose le gouvernement.

Ces projets vont des travaux de lutte antiérosive à travers le pays, en passant par l’acquisition des matériels pour l’installation de la fibre optique en vue de la migration vers le système téléphonique CUCM, la construction des bâtiments devant abriter les Tribunaux de paix dans 145 territoires, l’électrification, par énergie solaire de 145 territoires de la RDC et de 15 chefs-lieux de nouvelles provinces, la construction de nouvelles casernes militaires ainsi que la réhabilitation de la base de Kitona et de Kamina, etc. Pour ne citer que ceux-là. Et lorsqu’en 2020, sur 858 projets prévus dans les provinces, seulement 13 ont été réalisés, il y a de quoi se demander sur quelle base peut-on croire encore aux promesses.

Il fallait attendre le passage du président de la République au Kasaï pour apprendre que 155 millions serait le montant pour relancer la Miba. Mais la tête du président est ailleurs, SACIM. De quoi se demander le lien entre la relance de la Miba et la SACIM ? Qu’est-ce que le chef de l’État a voulu dire par « les personnes de mauvaise volonté avaient ravi cette richesse pour créer la société chinoise qu’on appelle SACIM » ?

Plusieurs analystes pensent que soit le chef de l’État congolais n’est pas informé de la situation de la SACIM, soit, comme on le soupçonne dans les milieux des affaires, il voudrait mettre fin au contrat chinois pour placer les siens à la suite d’une clameur publique. Par conséquent la Miba ne serait donc pas la cible, la vraie.

La SACIM née des cendres de la SENGAMINES

En effet, en 1999, l’État avait octroyé sept concessions de la MIBA (gisement de Tshibwe) à la société minière de Senga Senga, en sigle « SENGAMINES », créée par le Président LD Kabila afin de payer sa dette envers son allié, le Zimbabwe.

En mars 2005, un partenaire de la SENGAMINES, ORYX, a soumis à l’approbation du Gouvernement son remplacement par FIRST AFRICAN DIAMONDS « FAD ». Ce dernier a promis d’injecter 150 millions USD dans l’entreprise. Ceci n’a pas permis à la SENGAMINES de relancer ses activités. En date du 15 septembre 2007, le ministre des Mines a adressé une mise en demeure à la SENGAMINES à l’effet de remédier à la situation catastrophique de l’entreprise. A l’issue du délai légal de mise en demeure de 6 mois, SENGAMINES n’a exécuté aucun engagement par rapport à la relance. Le Gouvernement va prononcer la déchéance des droits miniers portant sur les sept concessions minières de SENGAMINES, qui seront versées dans le domaine public de l’État congolais. Et FAD sera immédiatement déguerpi des sites de la SENGAMINES le 1e avril 2008.

Pour n’est pas laissé le gisement inexploité, la RD-Congo s’est résolue de créer en décembre 2009, la Société Congolaise d’Investissement Minier, « SCIM » Sprl en sigle, sur les cendres de SENGAMINES, dont État congolais détenait 80% de parts, Fond de Promotion de l’industrie « FPI », 10% et l’ex-Institut National de Sécurité Sociale « INSS » 10%.

La SCIM a débuté l’exploitation du diamant avec beaucoup de difficultés dues au manque d’énergie électrique et d’eau pour débourbage. En janvier 2013, le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises publiques (COPIREP) a lancé un appel d’offre international afin de céder les gisements de SCIM. A la suite de cet appel d’offre, un Mémorandum d’entente a été signé entre la RDC (représentée par les Ministres du Portefeuille et des Mines) et la société Anhui Foreign Economic Construction Corp.Ltd « AFECC », afin de créer, en mars 2013, une nouvelle société d’exploitation du diamant sous la dénomination « SOCIETE ANHUI-CONGO D’INVESTISSEMENTS MINIERS », en sigle SACIM Sprl. L’État congolais détient 50% du capital social, soit 500 parts sociales et l’AFECC 50%, soit 500 parts sociales. Le prix de la cession était de 4.2 millions USD versé au Trésor Public, le pas de porte était de 61 millions non remboursables payable en trois phases. La SACIM sprl paiera à l’État congolais des royalties de 1 USD/Carat vendu sur le gisement non certifié.

Le raccordement frauduleux

Par ailleurs, l’ensemble des engagements vérifiés dans les livres de la SCIM sont évalués à 7.678.415 USD et ont été pris en charge par la SACIM. Le paiement de cette dette a été négocié entre la SACIM et les créanciers et cela, après l’entrée en production officielle. Une très grande partie a été déjà payée à ce jour.

Alors que la Miba se dégrade chaque jour et ses travailleurs accumulent des nombreux retards de salaire, malgré l’intervention de l’État, la SACIM est actuellement le plus grand employeur du coin. Il emploie pour tout un effectif de 764 travailleurs nationaux congolais et environ 110 sujets chinois disposant d’un contrat d’assistance technique pour son siège administratif de Kinshasa et celui d’exploitation à Tshibwe.

On se demande alors pourquoi ce raccordement frauduleux dans le speech de chef de l’État lorsqu’il est sans ignorer ou supposé ne pas ignorer que la concession qu’occupe la SACIM est seulement d’une superficie de 713 km2 sur plus de 78.000 de la Miba. Qui pis est avec une moyenne de 300.000 carats le mois, la SACIM, selon le rapport d’audit de l’Inspection générale des finances et des ministères du portefeuille et des mines, paie normalement les droits, redevances et taxes et impôts à l’État. Comme pour dire, pour noyer son chien, on l’accuse de rage. L’objectif est donc ailleurs…. Et comme l’ont conclu les recherchistes de la Southern Africa Resource Watch, Dieudonné Tshimpidimbua Mujanayi, Georges Bokondu Mukuli et Joseph Cihunda Hengelela dans leur enquête intitulée A qui profite le Diamant du Kasai Oriental publié, il y a quelques semaines : « La MIBA n’a pas toujours relancé ses activités alors que la SACIM augmente chaque jour sa production, tout en restant sous le contrôle des investisseurs chinois. Contraste, l’Etat est successivement dans la MIBA et dans la SACIM, malheureusement, celle la SACIM prospère ; donc le problème, c’est l’Etat. »

Jeanne Bahati

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