Passeport rd-Congolais, un document à deux prix, l’un réel et l’autre pour les discours officiels !
La RD-Congo n’a pas officiellement renoué avec la triste politique de taux de change fixe de sa monnaie contre le « roi dollar ». Pour ce qui concerne la vente du passeport, le pays y est déjà de pleins pieds, avec notamment l’existence du double prix, contradictoire et parallèle, pratiqué au pays pour l’acquisition de ce précieux document pour les congolais.
En effet, le plus officiellement du monde, cette pièce d’identité se livre à 99 USD, a réaffirmé le vice-premier ministre, ministre des affaires étrangères, Christophe Lutundula, le 9 mars 2022 sur les ondes de Top Congo FM. Mais en parallèle, à l’intérieur même du circuit officiel de vente de ce même document, celui-ci s’écoule à 150 USD la pièce, voire plus. Le gouvernement, avec lui toutes les autres institutions du pays, est parfaitement au courant mais se l’accommode fort bien, au plus grand dam de la population.
Pourtant, à l’heure du lancement de la deuxième phase de partenariat liant la RD-Congo à la société belge « Semlex » par sa filiale congolaise « Locosem » interposée en novembre 2020, l’alors ministre des affaires étrangères, Marie Ntumba Nzeza, avait rassuré tout le monde que le passeport allait se vendre à 99 USD, ni plus ni moins. La ministre était parfaitement consciente de l’existence des « frais connexes » dans le circuit de vente à la base de la hausse du prix. Surtout qu’au même moment, des voix s’étaient fait entendre, exigeant du gouvernement la suppression des frais dont la perception, la gestion et l’affectation des fonds générés ne sont soumis au contrôle ni du parlement encore moins du gouvernement central. C’est notamment le cas d’une redevance obligatoire aux contours flous portant sur la délivrance d’une « fiche ANR », collectée sans quittance par les services de l’Agence nationale de renseignement. Ainsi, Marie Ntumba Nzeza, avait invité ses concitoyens à dénoncer toute forme d’antivaleurs dans la chaîne d’approvisionnement des passeports.
Quand le VPM Christophe Lutundula feint de tout ignorer…
Depuis, que des dénonciations ! Mais en retour, aucune mesure n’a jamais été prise pour mettre fin à cette illégalité. Mais voici que près de deux ans après, le gouvernement rejette la responsabilité de cette situation aux requérants, qu’il accuse de non-respect de procédure (normale), préférant passer par des personnes interposées dans l’espoir d’obtenir plus rapidement le document . « C’est la population elle-même qui est à la base de certaine hausse. On veut souvent avoir le formulaire le même jour, se faire capturer le même jour et avoir le passeport le même jour. C’est de cette façon qu’on se fait rançonner par les agents. C’est un problème de culture. Il faut qu’on apprenne à respecter la procédure », a expliqué le VPM des affaires étrangères ajoutant qu’il faudra, d’autre part « serrer les agents » pour mettre définitivement fin à cette escroquerie. Escroquerie ? Le mot n’a pas été prononcé par le ministre de tutelle, mais de cfinances.info qui estime n’avoir pas du tout tort de qualifier un acte, au regard de faits extérieurs qui s’en dégagent.
Est-ce réellement à 99 USD ? Le résultat de notre enquête in situ a révélé l’existence de deux types de situations. Le premier est constitué de gens qui suivent la procédure normale et obtiennent le passeport au prix officiel, à 99 $. Peu nombreux, on y retrouve en grande majorité des membres de familles et proches de décideurs de l’actuel régime mais aussi certaines personnes qui en font la demande dans le seul espoir qu’un jour, un voyage à l’extérieur peut surgir. Mais entre les deux, la différence se trouve dans le délai de livraison. Pour les privilégiés du régime et leurs proches, la livraison obéit au principe de la célérité, entre 12 et 72 heures. Quant aux restes, leurs attentes peuvent atteindre 180 jours, voire plus. Pire, il faudrait pour eux toujours continuer à faire pression !
Second type de situation, celui de l’écrasante majorité qui achètent le passeport à 150 USD, voire plus. C’est à ce niveau que se constate toutes les manigances et autres actes abjects.
Notons qu’en RD-Congo, pays où la population avait à l’époque été officiellement invitée de se débrouiller pour survivre, le fameux article 15, il est des choses qui n’émeuvent plus vraiment : la corruption, l’escroquerie, etc. C’est aussi dans ce même pays où, pince-sans-rire, le chef de l’Etat a dit que la retro-commission était légale.
Rendre l’accès très difficile pour se faire soudoyer !
Pour escroquer les requérants d’un service, les commis de l’Etat ont toujours recouru à une méthode simple, imparable et efficace. Ils rendent le service très difficile, compliqué et long. Ainsi les requérants n’ont d’autres choix que de corrompre. Même les privés s’en inspirent. Les banques commerciales est un exemple.
On se retrouve déjà là en présence d’une technique de manipulation utilisée dans le but d’attendre des personnes ainsi soumises à cette technique d’avoir un comportement spécifique, un comportement typique et caractéristique. C’est ce qui arrive chez les demandeurs de passeports. Soumis à cette technique, le comportement attendu d’eux est justement de les voir délier leurs bourses au profit des agents commis à ce service, en l’occurrence, l’ANR et le ministère de tutelle.
Cfinances.info qui a déployé ses reporters pour mener l’enquête sur place, au ministère des affaires étrangères, a pu découvrir comment se répartissent les 150 USD du passeport. 99 USD payable à la banque, 30 USD pour la fiche de l’ANR, 20 USD à remettre à un agent des affaires étrangères et 1000 CDF à titre de prime à l’agent commis au prélèvement d’empreinte. « Mais que veut-on ? C’est du business, normal donc que chacun trouve son compte », explique un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères en réponse à la question d’un de nos reporters.