Même avec ses 5,5 millions de déplacés, la RDC est le cadet des soucis de la communauté internationale (rapport)

L’organisation humanitaire « Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) » a publié ce mercredi 1er juin son rapport annuel sur les crises négligées du monde.

Selon ce rapport, la RD Congo abrite plus de 5,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, le troisième plus grand nombre au monde. Elle est ainsi la crise de déplacement la plus négligée au monde. Un million d’autres Congolais ont également été contraints de fuir leur pays.

Figurant sur la liste des dix crises de déplacement les plus négligées au monde (six fois de suite), la crise en RD Congo est devenue un exemple classique de négligence. Elle est maintenant en tête de liste depuis deux ans. « Malgré ces besoins urgents, le soutien au pays est insuffisant et la situation est devenue un exemple classique de négligence », a déclaré Jan Egeland, secrétaire général du NRC, dans le communiqué. « Les personnes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique qui ont le pouvoir de créer le changement ferment les yeux sur les vagues d’attaques brutales et ciblées contre des civils qui détruisent les communautés », a ajouté Egeland.

1/3 des RD-Congolais en insécurité alimentaire

L’insécurité alimentaire a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré, avec 27 millions de personnes – un tiers de la population du pays – souffrant de la faim. L’aide fournie à la RD Congo l’année dernière équivalait, à peine, à moins d’un dollar américain par semaine et par personne dans le besoin.

Les prix alimentaires montent en flèche, en partie à cause de la guerre en Ukraine. Depuis mars 2022, le coût du sucre et de l’huile de cuisson a augmenté de 50 %, le pain de 20 % et le riz de 11 %. L’insécurité et la violence persistant à travers le pays laissent peu d’espoir pour 2022.

En arithmétique internationale, un Ukrainien vaut mieux qu’un Rd-Congolais ?

Comparant la réponse du monde au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, avec le soutien aux survivants du conflit en RDC, NRC conclut ceci : « La guerre en Ukraine a mis en évidence l’immense fossé entre ce qui est possible lorsque la communauté internationale se rallie à une crise et la réalité quotidienne pour les millions de Congolais qui continuent de souffrir dans un silence assourdissant ».

Ce rapport repose sur trois critères : le manque de financement, le manque d’attention des médias et le manque d’initiatives politiques et diplomatiques internationales.

La RD Congo a reçu le plus faible niveau d’attention médiatique par rapport au nombre de personnes déplacées comparé à 41 crises humanitaires analysées. En 2021, seule l’éruption du volcan Nyiragongo avait déclenché une brève attention internationale sur la RD Congo.

Il n’y a pas eu de discussions politiques de haut niveau dans le monde sur ce pays, telles que des réunions internationales, des conférences des bailleurs de fonds ou des sommets. L’absence d’engagement politique international fort s’est accompagnée d’un manque de couverture médiatique.

Malgré la présence de la MONUSCO, des nombreuses femmes, hommes et enfants qui avaient déjà fui les attaques dans leurs villages d’origine ont été brutalement assassinés à l’endroit même où ils pensaient avoir trouvé refuge. Avec seulement 44 % des 2 milliards de dollars américains nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires à l’intérieur du pays, la réponse aux réfugiés reste gravement sous-financée.

Les médias et la stratégie de désinformation ?

NRC publie chaque année une liste des dix crises de déplacement les plus négligées au monde. L’objectif est de se concentrer sur le sort des personnes dont les souffrances font rarement la une des journaux internationaux, qui ne reçoivent aucune assistance ou une assistance inadéquate et qui ne deviennent jamais le centre d’attention des efforts diplomatiques internationaux. Pour la première fois, toutes les dix crises se situent sur le continent africain.

La plupart des médias internationaux couvrent rarement ces pays au-delà des reportages singuliers sur les nouvelles flambées de violence ou de maladie, et dans plusieurs pays africains, le manque de liberté de la presse aggrave la situation. Les bailleurs de fonds seraient aussi fatigués du fait que de nombreux pays africains sont considérés comme présentant un intérêt géopolitique limité.

Ce faible niveau de financement limite la capacité des organisations humanitaires à la fois à fournir une aide humanitaire adéquate et à faire un travail efficace de plaidoyer et de communication pour ces crises, créant ainsi un cercle vicieux.

Pourtant, en réponse à la crise tragique en Ukraine, le monde a assisté à un élan d’humanité et de solidarité. L’action politique a été rapide. Les bailleurs de fonds, les entreprises privées et certains publics ont tous contribué généreusement. Les médias ont couvert la crise 24 heures sur 24. Pendant ce temps, la situation se détériore pour des millions de personnes touchées par des crises qui se déroulent dans l’ombre de la crise ukrainienne, note le rapport.

Les niveaux de faim sont en hausse dans la plupart des pays figurant sur la liste des crises négligées, aggravés par la hausse des prix du blé et du carburant causée par la guerre en Ukraine. Malgré la sonnette d’alarme tirée par les organisations humanitaires depuis le début de l’année 2022, les mesures nécessaires n’arrivent toujours pas. Pire encore, plusieurs pays donateurs envisagent ou ont décidé de réaffecter des fonds d’autres parties du monde à la crise ukrainienne et à la réponse aux réfugiés en Europe. C’est une recette pour le désastre, affirme NRC.

Sha Nzovu

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