Le monde en développement coincé entre les rivalités USA-Chine
Depuis l’émergence de la Chine comme superpuissance économique, nous assistons à un réveil des USA pour assurer ces arrières face à ce serpent qui ne cache pas ses ambitions expansionnistes. En Afrique, les exemples de ce conflit sont légion aujourd’hui tant dans la construction des infrastructures que sur les matières premières tant prisées par ces deux grandes superpuissances. Les pays comme la RDC, le Soudan, la Centrafrique en subissent déjà les conséquences.
Dans un article intitulé « Le Moyen – Orient coincé dans la ligne de mire d’une rivalité USA-Chine qui s’aggrave » paru ce lundi 27 décembre 2021 sur leur site web, nos confrères de CNN évoque avec plus de détails et des contributions des experts les effets déjà ressentis par les pays du moyen orient.
Cette partie du monde riche en pétrole et ravagée par les conflits semble tourner la page grâce à une diplomatie locale cherchant à combler de longues divisions. L’Irak par exemple est en train d’aller vers le progrès en négociant des pourparlers directs entre l’Arabie saoudite et l’Iran.
Pendant ce temps une autre ligne de fracture géopolitique apparait : le champ de bataille politique et économique entre les États-Unis et la Chine. S’exprimant à ce sujet, un haut responsable émirati a dit : « Ce qui nous inquiète, c’est cette ligne fine entre une concurrence aiguë et une nouvelle guerre froide » (Anwar Gargash, conseiller diplomatique auprès des dirigeants des Émirats arabes unis). « Parce que je pense que nous, en tant que petit État, serons affectés négativement par cela, mais n’aurons en aucun cas la capacité d’affecter cette compétition, même positivement. » Gargash confirme que, en ne voulant pas bouleversé un allié stratégique, les ÉAU ont dû fermer une installation chinoise en raison d’allégations américaines selon lesquelles le site était utilisé comme base militaire. Interrogé sur l’installation, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré que la Chine était « fermement opposée aux pratiques » d’intimidation « des États-Unis qui exercent des pressions injustifiées.
Mais les données sur terrain montrent que les USA ne gagneront pas toujours la bataille pour l’influence. Les EAU par exemple ont fini par suspendre un achat de plusieurs milliards de dollars d’avions F-35 fabriqués aux USA, le premier accord du genre avec un pays arabe. Les USA avaient subordonné la vente à la suppression par les ÉAU de la société chinoise Huawei Technologies Co. de son réseau de télécommunications. Washington a affirmé que la technologie posait un risque pour la sécurité de ses systèmes d’armes, en particulier pour un avion que les États-Unis surnomment son « joyau de la couronne ». Un responsable émirati a déclaré qu’une « analyse coût/bénéfice » était à l’origine de leur décision de rester avec Huawei au détriment des F-35. Il s’agit ici d’un événement qui pourrait préparer le terrain, non seulement pour la puissance du Golfe, mais pour toute une région où les relations commerciales en croissance rapide de la Chine transcendent les anciennes rivalités géopolitiques et où l’hégémonie de longue date des États-Unis pourrait prendre fin affirme nos collègues de CNN.
Un théâtre de compétition
Le Moyen-Orient a été secoué par des tensions géopolitiques depuis que les puissances coloniales occidentales avaient découpé la région riche en ressources en sphères d’influence. Mais la région avait rarement connu des violences à l’échelle des années 2010 (Syrie, Yémen, Libye et l’Irak) ainsi que la violence de longue date en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. C’était une période qui a coïncidé avec un changement politique capital. Voulant se focaliser sur la Chine, les USA ont perdu la priorité du Moyen-Orient. La vague de diplomatie régionale qui a suivi semble également dépendre d’un départ présumé des USA de la région. Pendant tout ce temps, la Chine, autrefois vilipendée idéologiquement par des puissances comme l’Arabie saoudite, travaillait dans l’ombre du Moyen-Orient. Pékin a forgé des partenariats économiques de grande envergure avec notamment Riyad et Téhéran. Elle a renforcé sa présence dans des économies qui étaient déjà de solides partenaires commerciaux, comme les ÉAU, où elle est en passe de devenir le pivot de ses réseaux de télécommunications.
Habitué à être la cible d’accusations de violations des droits humains, Pékin a promis de garder le silence sur ceux du Moyen-Orient et de se tenir à l’écart de ses conflits. Il a fait du Moyen-Orient un élément clé de son initiative « Belt and Road », un projet d’infrastructure massif qui relie l’Asie de l’Est à l’Europe (le canal de Suez en Égypte est la seule connexion maritime du projet). Et surtout, c’était l’occasion de couvrir les paris de la région en cas de sortie américaine. « Vous avez ce scénario où cette puissance extrarégionale prépondérante semble partir, puis vous avez la Chine, un partenaire commercial de premier plan », a déclaré Jonathan Fulton, chercheur principal non-résident à l’Atlantic Council. « La région ressemble à un théâtre de compétition. Cela ressemble à la façon dont cela va se dérouler. »
Les analystes soutiennent que si Washington force la région à choisir entre les USA et la Chine, la réponse sera une évidence : les amis des USA dans la région répugnent à attirer l’ire de la superpuissance, d’autant plus que sa présence militaire dans le Moyen-Orient reste vaste. Mais finalement, la région n’aura peut-être pas d’autre choix que de prendre la carotte chinoise quitte à se soumettre au bâton américain. La gravitation de la région vers la Chine, soutient Fulton, est « la loi de la nature. C’est probablement ainsi que ce sera au cours du siècle prochain ».
Les États-Unis ont besoin « de mettre du vrai cash (liquidités) sur la table »
La principale faiblesse de la proposition américaine concernant la Chine au Moyen-Orient est que Washington n’offre aucune alternative aux accords lucratifs de Pékin. Les USA peuvent essayer de contraindre les ÉAU à se retirer de leur accord avec Huawei, mais ils ne sont pas disposés à leur donner une deuxième option compétitive. L’exemple le plus illustratif est le Liban. Au début de la chute de ses finances en 2020, les USA ont fait pression pour qu’il ne se tourne pas vers Pékin pour investir dans ses infrastructures en décomposition ; l’ambassadrice américaine Dorothy Shea avait même émis des avertissements télévisés sur les dangers des « pièges de la dette » chinois. Le gouvernement de l’ancien Premier ministre Hassan Diab a fini par céder aux pressions des USA tandis que ces derniers ont largement rejeté son gouvernement, qu’ils pensaient être soutenu par le Hezbollah, et la coopération occidentale avec l’économie en difficulté a été quasi nulle. « La pression américaine s’est intensifiée ces dernières années, et surtout depuis le début de l’initiative « Belt and Road » en 2013 », a déclaré Tin Hinane El Kadi, membre associé du groupe de réflexion Chatham House. « Cependant, en politique internationale, vous ne pouvez faire pression sur les pays que lorsque vous avez un pouvoir substantiel et les moyens de vraiment proposer un autre accord. » Il a ajouté : « Si les USA veulent vraiment faire pression sur les pays et gagner cette soi-disant nouvelle guerre froide, ils devraient s’éloigner du jeu discursif et vraiment commencer à mettre de vrais projets et de l’argent réel sur la table »,
Il est clair aussi que les USA ne peuvent pas non plus revendiquer la haute moralité sur les questions de droits de l’homme ou sur l’espionnage qu’ils accusent des entreprises chinoises telles que Huawei de mener. Les récents scandales autour de Facebook, par exemple, affaiblissent cette position, a fait valoir Fulton. « Nous avons observé ce que fait Facebook… et après Snowden… il est difficile pour eux de dire que vous pouvez nous faire confiance parce que nous sommes fiables », a déclaré Fulton. « Si nous le faisons pour des raisons libérales et qu’ils le font pour des raisons autoritaires, ce n’est pas vraiment un argument à faire valoir ici. »
En l’absence d’une alternative compétitive occidentale à la coopération chinoise, il est plus claire que la situation risque de devenir plus difficile pour eux au Moyen orient. Les racines de la Chine dans la région ne feront que s’approfondir et ne feront que s’étendre rapidement. Les pays qui ont été entraînés dans des conflits largement inutiles choisiront des options qui servent leurs intérêts économiques. Et comme l’ont montré les inquiétudes d’Abou Dhabi à l’idée d’être pris au milieu de tensions croissantes entre les grandes puissances, l’appétit pour le conflit se dissipe rapidement. « Même si les USA en ce moment, avec très peu d’influence, obligent les pays à choisir entre les USA et la Chine, le fait que les pays aient plus d’options, plus de prêts qu’ils peuvent contracter parmi une variété de choix est une bonne chose », déclare Kadi. « Avoir plus d’alternatives sur la scène mondiale ne peut être qu’une bonne chose pour la région et sa stabilité « .