La gratuité rattrapée par la vérité des chiffres!
Alors qu’elle est une obligation constitutionnelle, la gratuité de l’enseignement de base n’avait jamais, sous le règne de Kabila, été de totale application, comme c’est le cas maintenant avec la présidence de Félix Tshisekedi. Manque de volonté politique ou un réel problème lié à l’absence des ressources financières conséquentes ?
Au lendemain du lancement par Tweet de cette mesure par le porte – parole adjoint du chef de l’état, les participants au Forum national sur l’Education de base avaient fait clairement pencher la balance plutôt vers cette deuxième hypothèse explicative.
Relevant qu’il faudra en moyenne, dans l’état actuel de choses caractérisé par des zones salariales, quelque chose comme 2, 8 milliards Usd pour tenir la gratuité totale de l’éducation de base, ces experts en finances publiques mais aussi du secteur de l’enseignement de base avaient, par ailleurs, recommandé une application plutôt progressive de cette exigence constitutionnelle, à cause de la modicité des recettes publiques. Leur recommandation était assortie d’un plan triennal (2020-2022) d’application de ladite réforme.
« Augmentation du budget »
Élaboré par le Ministère de l’Enseignement Primaire, secondaire et technique en tenant compte du principe de la rémunération égale pour tous les enseignants de la République, ce plan prévoyait notamment l’augmentation du budget de l’EPST à la hauteur de 3,233 milliards USD soit 1,077 milliards USD l’année. Suivant ce plan, c’est donc en l’exercice budgétaire 2022 que chiffre devait être intégré. En cours d’examen à l’assemblée nationale, les crédits affectés à ce secteur sont loin des attentes. Selon des calculs, en effet, la ligne proposée est de très loin inférieure au montant sollicité par ledit plan, soit moins de 75% !
En première année, c’est-à-dire en 2020, il était, dans ce plan, prévu que le gouvernement prenne en charge les frais de bulletin, de Minerval et d’Identification, du Test National de Sélection, et d’Orientation Scolaire Professionnelle (TENASOSP) de 13 579 065 élèves suivi de leurs cursus scolaires. Mais aussi des frais d’Examen National de fin d’études Primaires (ENAFEP) pour 1 500 000 élèves. S’agissant du fonctionnement et de la mécanisation des enseignants, le scénario projetait la prise en charge des frais de fonctionnement de 30 773 écoles, la mécanisation de 40.000 enseignants sur le stock de 132.613 enseignants non payés au cours de l’exercice budgétaire 2020. Alors que les syndicats des enseignants affirmaient avoir déposé au mois d’avril 2019 à la présidence de la République un mémorandum reprenant un effectif de 240 000 enseignants, dont 104 387 nouvelles unités.
Notons que pour ce qui concerne la paie, le protocole d’accord de Bibwa, signé entre le gouvernement et l’intersyndical de l’enseignement, avait lui préconisé toute une batterie de mesure qui rendait totalement impossible la réalisation de la gratuité totale. On peut notamment citer cette clause qui enjoignait, au gouvernement de la république, de payer les enseignants au cours de la même année scolaire (2019 – 2020), par une série successive de (trois) palier. Ceci allant d’un montant en devise nationale équivalent respectivement en 170 dollars américain pour le premier palier, 250 dollars pour le deuxième et à 400 dollars américain pour le dernier palier.
Mais, toute cette explication avait malheureusement été écartée par le chef de l’état Félix Tshisekedi, qui tenait mordicus à une application totale hinc et nunc! Or dans l’exercice budgétaire en cours à l’époque, cette gigantesque dépense liée à l’application de ladite mesure n’était pas prévue. En dépit de cela, la gratuité fut quand même lancée, avec à la clé le triplement du salaire de l’enseignant du secteur public.
Avec une ligne de crédit évaluée à 500 millions Usd, la RDC comptait sur la banque mondiale pour financer le gap de 2,4 milliards USD. Cependant, cette institution de Breton – Wood n’avait réagi pas réagi de sitôt, promettant une clause libératoire de 1 milliard de dollar américain à repartir entre le secteur de l’enseignement et celui de la santé. Trop peu donc pour couvrir ce déficit, à en croire plusieurs experts en finances publiques. Conséquences de cette dépense extra – budgétaire, combinée à celles liées à la réalisation des travaux d’urgence de 100 jours premiers jours du mandat de l’actuel chef de l’état et au déclenchement de l’opération de l’imposition militaire de la paix à l’Est, les lignes de crédit budgétaire 2019 implosèrent. .Entrainant in fine un déficit de 500 millions Usd !
« Actions de court terme, de vision… »
Puis plus tard, le 13 janvier 2021, la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo), à travers son état de lieux de la mise en œuvre de la gratuité dans les écoles conventionnées catholiques, tira la sonnette d’alarme, sur les difficultés structurelles rencontrées sur le chemin de cette importante réforme. Faisant notamment remarquer que la gratuité ‘‘souffrait d’un déficit de leadership, caractérisé par des actions de court terme, l’absence de vision, de planification et de budgétisation dans la durée’’. Il se trouve cependant que l’application de cette mesure, même vaille que vaille, soit politiquement payante. Aujourd’hui, la vérité des chiffres nous rattrape.
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