RDC : Où vont les recettes de la taxe de stationnement de la Ville de Kinshasa?

La question à mille points dont personne ne connait la réponse, mieux : que personne ne veut répondre, est celle de savoir qui se tape les recettes de la taxe de stationnement de la ville de Kinshasa ? Est-ce la société Rwandaise à qui Ngobila a donné ce marché ? Est-ce la Kenyane ou la Libanaise qui se partage des parts de ce marché juteux avec la Rwandaise ? Ou… c’est lui-même Ngobila, le patron de la ville de Kinshasa ?

C’est une affaire de millions de dollar américains mais qui, curieusement, n’intéresse personne ou presque. A l’arrivée, ni l’assemblée provinciale, autorité supposée contrôler la gestion de la ville, ni même l’inspection générale des finances, ne semble être interpellée par ce qui clairement apparait comme un détournement à ciel ouvert … « Circulez, ici on bouffe », nous fait- on comprendre à demi-mot.  Sauf peut-être un député provincial, Mike Mukebayi qui, avec sa langue pendante, fait, malgré lui, des bras et des jambes pour attirer ne fut-ce que l’attention particulière du contribuable. Cependant, la grosse main du président de l’assemblée provinciale, le pasteur Godé Mpoy, tient si ferme la gorge du député que sa voix ne porte… qu’à peine.

Ngobila a trouvé une mine d’or ?

Depuis 2020, les calculs de la rédaction de cfinances.info révèlent qu’annuellement environs 150 millions USD disparaissent entre le point du paiement des taxes liées au stationnement à Kinshasa, le compte privé logé à Equity Banque où l’argent est directement versé et le compte de la ville, destination finale de la taxe. C’est la magie dont la recette serait détenue par la quadrature qui gère cette contribution des usagers des parkings kinois, Ngobila et trois sociétés de droit rwandais, libanais et kenyan.

La sensibilité que montrent les autorités de la RD-Congo à cette question qui parait anodine nous fait croire qu’il y a des cadavres dans plusieurs placards. Tous ceux qui s’en mêlent deviennent victime d’une répression foudroyante. Déjà un député y a laissé ses immunités et a un procès, en mode téléchargement Dial-Up, comme une épée de Damoclès pour qu’il retire sa question orale avec débat à l’Assemblée Provinciale de Kinshasa sur, entre autres, la question de taxes-parkings. Le président d’une association de mototaxis se trouverait en prison pour avoir communiqué des informations au député. Qui sera le suivant sur la liste ?

Même à l’hôtel de ville, la patate est tellement chaude que les collaborateurs du gouverneur contactés par la rédaction de cfinances.info se renvoient des questions posées, avant de demander, la peur au ventre, de rester anonymes.

Un monstre à quatre têtes

Quelles sont ces compagnies à qui Ngobila a passé le marché ? Quelle est leur expertise ? Y avait-il un appel d’offre tel que l’exige la loi pour un marché d’une telle ampleur ? A l’hôtel de ville, personne ne sait trop sur les trois sociétés de droits rwandais, kenyan et libanais. Même leurs noms est un mystère. Ce qui empêche toute recherche dans les registres des entreprises de ces pays, qui pourtant sont bien tenus. Le siège local de chacune de ses entreprises est tenu caché, selon les sources cfinances.info. « Nous avons aucune information à ce sujet. La réglementation du stationnement urbain à Kinshasa est jeune, c’est peut-être la raison du manque de prise de conscience de l’autorité contrôleuse. Même ici, à l’hôtel de ville, personne, alors personne n’est conscient du manque à gagner que la mégestion autour des affaires des parkings cause à la ville, » avoue un agent de l’administration de l’hôtel de la ville qui, pourtant, a plus de deux décennies de carrière au sein de l’hôtel de ville de Kinshasa.

C’est seulement en mars 2013 que le gouverneur de la ville de Kinshasa a pris, pour la première fois, un arrêté fixant les taux des droits, taxes et redevances à percevoir sur les stationnements de Kinshasa.

Cet arrêté a institué trois types de taxes : la taxe sur les parkings publics, la taxe d’autorisation d’aménagement des parkings privés sur le domaine public de stationnement ainsi que la taxe d’autorisation d’exploitation des parkings publics aménagés et payants.

Pour ce qui est de la première catégorie de taxes, la taxe de parkings publics, l’arrêté a institué que, pour avoir utilisé les voies publiques et s’être arrêté pour transporter ou débarquer leurs clients, tous les taxis payeront 0,30$/jour, 0.50$/jour pour les taxi-bus, 1$/jour pour les autobus, 5$/jours pour les camions, 2.5$/jour pour les taxis interprovinciaux, 5$/jour pour les autobus et les camions gérés par des agences de voyage. Sous Ngobila, on y ajoute les motos qui paient 0,30$/jour comme les taxis.

Selon les données obtenues auprès du député Mukebayi et contre – vérifiées par la rédaction de cfinances.info auprès des différentes organisations et syndicats des transporteurs en commun, la ville de Kinshasa compte au moins 400.000 taxi-motos et 70.000 chauffeurs taxi, taxi bus et autobus. Ces transports ont l’obligation de payer la taxe même les jours où ils n’utilisent pas leurs véhicules. En d’autres mots, la taxe est perceptible l’année longue. Ce qui, par ailleurs, rend le calcul prévisionnel aisé.

La seule difficulté est qu’il existe aucune statistique officielle sur la répartition en type de véhicules conduits ou mode de transports utilisés par les 70.000 chauffeurs enregistrés auprès de l’Association des chauffeurs du Congo, ACCO (Association des chauffeurs du Congo). Cependant, selon un petit sondage mené par cfinances.info, on estime que les taxis représentent 45%, les taxi-bus 35% et les autobus 20%.  

Accès de millions pour acheter le silence

Les montants qui sortent des calculs estimatifs sont colossaux. Seulement avec les mototaxis, la ville de Kinshasa collecte une moyenne de 120.000 USD par jour, et 43.800.000 par an, au regard de l’arrêté ainsi que du nombre de mototaxi.

Pour ce qui est des chauffeurs enregistrés auprès de ACCO, on peut donc estimer que Kinshasa compte une moyenne de 31.500 taxis qui paient 0.30$/jour. Ce qui représente 9.450 USD par jours et 3.449.250 USD par an.

On compte en moyenne 24.500 taxi-bus qui paient 0.50$/jour. Ce qui représente un total journalier de 12.250 USD et, annuellement, un total de 4.471.250 USD.

Et enfin les bus qui paient 1$/jour sont estimés au nombre de 14.000 bus. Ce qui représente 14.000 USD par jour et, annuellement, un total de 5.110.000 USD.

La complaisance, marque déposée rd-congolaise

Bref, pour ce premier type de taxe seulement, la ville de Kinshasa est supposée collecter 56.830.500 USD. Mais voilà, la prévision budgétaire déposée par l’autorité provinciale prévoyait, pour l’année 2020, un montant de 14 milliards CDF soit 7 millions USD seulement. Mais, lors de la reddition des comptes, la ville a déclaré n’avoir collecté que 351 millions de Francs Congolais, soit 175.551 USD (sic!).

En d’autres mots, Ngobila n’a versé à la caisse de la ville de Kinshasa que 0,3% de cette catégorie de taxe. 97%, soit 56.654.949 USD ont disparu…

Zéro makuta… pour l’État, tout pour les dirigeants

La deuxième catégorie de taxe touche des parkings publics aménagés et parkings des chaussées. Cette taxe est payée annuellement. On se souvient qu’une certaine société dénommée Congo Parking Service Sarl avait lancé officiellement, en janvier 2021, un projet visant à percevoir des taxes sur tout stationnement des véhicules dans les parkings publics. A l’époque, le ministre provincial de transport avait déclaré que « le partenariat avec Congo Parking Service Sarl ne se limite pas seulement à assurer la mobilité dans la ville de Kinshasa mais également à discipliner les chauffeurs qui stationnent mal. Ce projet est, pour moi, une réponse à tous ceux qui demandent la justification de la taxe de stationnement. Voici déjà ici un site aménagé pour les véhicules. Je demande à tous ceux qui veulent travailler dans la mobilité de notre ville de venir et ils auront notre accompagnement”.

Le Directeur Général de Congo Parking Service, Felly Samuna, avait annoncé à l’époque que sa société avait acquis des espaces de stationnement à aménager dans la commune de la Gombe, au rond- point Huileries, au marché Gambela, etc.

Et selon l’arrêté de 2013, ceux qui aménagent ces parkings publics sont sensés  payer à la ville de Kinshasa un montant annuel de 50$/m2. A ce jour, personne ne sait combien de mètres carrés ont été cédé par la ville de Kinshasa à des privés. Mais ce qui est certain, les cessions ont bel et bien eu lieu. Ce qui a permis à la ville de prévoir, dans son budget, une perception de taxe annuelle de 32 millions de CDF, soit une somme modique de 16.000 USD.

Et malgré cela, le bilan de l’hôtel de ville montre que cette catégorie de taxe a rapporté zéro dollar à la caisse de la ville. Comme pour dire, les stationnements publics aménagés par des privés ont été cédé à titre gratuit pour l’État Congolais…. Mais bénéfique pour certains dirigeants… Mais qui ?

Et enfin, la taxe d’autorisation d’exploitation des parkings publics aménagés et parkings public payants dont la prévision budgétaire estimée rapporter 3.5 milliards de fc, soit 1,7 millions USD, n’en a rapporté que 304 milles USD. Seulement !

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Jeanne Bahati

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