Kenya – RD CONGO : Et si Ruto avait tout simplement dit haut ce que les officiels Kenyans pensent tout bas
Les propos du vice-président du Kenya, William Ruto, contre la population RD-congolaise ont suscité des commentaires à sens divers à Kinshasa et un peu partout à travers le pays. Chacun y est allé à sa manière.
Sur les réseaux sociaux notamment, nombreux sont ceux qui se sont levés pour fustiger les propos « inacceptables » tenus par un haut responsable politique africain, de surcroit, vice-président de la République, comme l’indique le tweet et la vidéo de la sénatrice Francine Muyumba.
Pour cette catégorie de gens, la sortie de l’homme d’état kenyan est dangereuse, car de nature à menacer la cohésion et la coexistence pacifique entre les deux peuples.
Avis que ne partagent pas d’autres internautes, qui estiment que les propos de Ruto ne sont rien moins qu’une « interpellation ». Une façon de pousser à une prise de conscience collective pour faire déplacer le curseur en faveur du développement du pays, expliquent-ils.
De son côté, l’ambassadeur du Kenya à Kinshasa aurait voulu éteindre le feu. Mais en affirmant que les seuls RD-congolais qu’il fréquentait à Nairobi étaient des DJ ou gérants des boîtes de nuit, il n’a finalement que confirmer les propos de Ruto, sous la barbe du gouvernement rd-congolais qui a préféré se murer dans le cocon d’un silence assourdissant. Est-ce par souci de conserver l’excellence des relations qu’il y a dorénavant entre Kinshasa et Nairobi ?
La RD Congo, une bonne vache à lait pour le Kenya
En avril 2021, les deux pays avaient signé à Kinshasa des accords sur les transports, la sécurité et le commerce dans le but d’améliorer les faibles chiffres des affaires bilatérales. En novembre 2021, le Kenya avait conduit une mission commerciale avec près de 200 membres en RD-Congo. De quoi se demander si les propos de Ruto, suivi de celui de l’ambassadeur de son pays au pays de Lumumba ne sont-ils pas à l’image des avantages que le Kenya a obtenu dans ces contrats ?
On remarquera que Nairobi considère que la stabilité de la RD-Congo constituerait un bon point de départ pour y développer des opportunités commerciales, car le retour à l’investissement y est très élevé. C’est ainsi qu’il s’était engagé à contribuer militairement dans la pacification de l’Est aux fins de tirer in fine parti du grand marché qu’est la RD-Congo.
Déjà, ce pays a diversifié ses destinations d’exportation, compte tenu des perturbations induites par le COVID-19. Une liste croissante d’entreprises kenyanes recherchent des opportunités d’investissement. Grand pays d’Afrique sub-saharienne offrant d’énormes opportunités d’affaires, la RD-Congo est dotée des ressources naturelles exceptionnelles. A noter qu’avant la pandémie, son économie a globalement connu une expansion moyenne de 7,7 % au cours des cinq dernières années. Ce pays dispose de 11 grands corridors de transport économique qui facilitent les flux commerciaux dans la région tout en reliant l’Afrique centrale, l’Afrique australe et une partie de l’Afrique de l’Est. Il dispose également de l’inter connectivité régionale la plus robuste de la région de l’Est de l’Afrique, ce qui le rend favorable au commerce transfrontalier.
Grande importatrice de produits manufacturés, la RD-Congo, par les défis actuels de la chaîne d’approvisionnement mondiale, offre en outre, une opportunité unique aux entreprises kenyanes qui vendent des biens de consommation à rotation rapide (FMCG) pour combler le vide. Les statistiques du Kenya montrent que leurs exportations vers la RD-Congo se sont élevées à 14,2 milliards de shillings kenyan en 2020 (environ 122 millions de dollars US), contre 13,4 milliards de shillings kenyan (environ 118 millions de dollars US) l’année précédente. Les importations en provenance de la RD-Congo, en revanche, ont augmenté pour atteindre 2,7 milliards de shillings kenyan (environ 24 millions de dollars US) l’an dernier, contre 1,9 milliard de shillings kenyan en 2019 et 1,2 milliard de shillings kenyan en 2018 (environ 10 millions de dollars US).
Pour la Communauté d’Afrique de l’Est, CAE, la RD-Congo offrira un énorme marché, rendant ainsi la région économiquement compétitive dans le monde. Son entrée changera la donne en ce qui concerne le commerce intra-régional en Afrique de l’Est. Sur les 7,4 milliards de dollars US de marchandise importée par la RD-Congo en 2018 par exemple, la valeur des exportations de la CAE ne représentait que 855,4 millions de dollars US (11,5 %). Les experts de la CAE estiment que l’arrivée de ce pays permettra de multiplier ce chiffre par 4 pour atteindre 50 %. En termes de commerce, la RD-Congo ne représente actuellement qu’environ 6 % des exportations totales des pays de la CAE.
Des indicateurs de la domination du pays de U. Kenyatta sur celui de Lumumba !
En plus de son ambassade à Kinshasa, le Kenya a proposé d’ouvrir des postes diplomatiques à Goma et Lubumbashi en vue de faciliter les services consulaires aux commerçants. Les deux régions représentent près de 70% des exportations annuelles du Kenya vers la RDC, pour une valeur estimée à 16,6 millions de dollars US.
Par ailleurs, les compagnies aériennes kenyanes ‘‘Kenya Airways’’ et ‘‘Jambo Jet’’ se sont offertes pour aider le secteur RD-congolais de l’aviation à décoller. En septembre 2021, Jambo Jet, une compagnie aérienne kényane à bas prix et une filiale de Kenya Airways, lançait des vols vers Goma, dans le but d’ouvrir la région au tourisme et aux opportunités commerciales pour les Kényans. Deux mois plus tard, elle avait augmenté ses vols à trois fois par semaine, évoquant une augmentation de la demande.
Kenya Airways PLC (KQ) a, de son coté, signé un contrat de location d’avions et a commencé à exploiter un partenariat de fret en partage de code avec Congo Airways. Dans cet accord, Kenya Airways fait louer deux jets Embraer E190 à Congo Airways tout en boostant ses opérations intérieures et les fréquences de vol en RD Congo. Cette compagnie kenyane a aussi débuté des vols de fret directs, de Johannesburg à Lubumbashi. Aux termes du mémorandum of understanding – MoU – signé avec Congo Airways, Kenya Airways proposera également des cours via son « Pride Center » et explorera l’échange de personnel technique dans divers domaines pour assurer le transfert de compétences entre les deux compagnies aériennes.
Quand les banques congolaises se font avaler par les kenyanes
Les entreprises kenyanes qui ont manifesté leur intérêt pour la RD-Congo comprennent Jubilee Insurance, Equity Bank et Kenya Commercial Bank (KCB).
En 2021, Equity Group, qui avait souligné l’importance stratégique de ses filiales en RD-Congo pour sa croissance future, a racheté ce qui était considéré jadis comme une fierté nationale de la RD-Congo, la plus grande et plus vieille banque commerciale du pays, la Banque Commerciale du Congo (BCDC).
Pour Equity Group, la RD-Congo constitue une grande opportunité en raison de sa population de près de 100 millions d’habitants, dont la plupart sont des jeunes. « Lorsque nous sommes allés en RDC, seuls 4 % de la population avaient des comptes bancaires et cela rappelait le Kenya du début des années 90. C’est l’énorme opportunité que nous avons vue : fournir aux Congolais un accès aux services financiers », avait déclaré son président. Ce pays représente actuellement 27 % du bilan du groupe et croît d’environ 60 % par an et pourrait dépasser le Kenya entre la troisième et la cinquième année, déclarait encore M. Mwangi. Et d’ajouter : « Compte tenu de la dynamique de croissance en RD-Congo, la possibilité de se démarquer et de devenir plus attractif est si proche. Les actions devraient désormais se traiter au même rythme que « Capitec Bank of South Africa« .
A son tour, la Kenya Commercial Bank (KCB) avait lancé un plan pour entrer dans le pays par l’acquisition d’une banque locale. Cette opération semble avoir abouti, car elle fit savoir en 2021 être en négociation avec « deux à trois banques » en vue de s’installer en RD-Congo considérée comme « un acteur crucial pour son avenir ».
Jubilee Insurance, le plus grand assureur de la région de l’Est, avait annoncé son arrivée en RDC en 2015. Elle s’associe à la compagnie d’assurance publique Sonas pour offrir des produits de couverture médicale et vie afin d’exploiter la forte demande de couverture dans le pays. Jubilee Insurance ambitionne de couvrir 5,5 millions de clients au cours des cinq prochaines années.
Le port de Mombasa aiguise aussi l’appétit glouton des kenyans!
Les gouvernements du Kenya et de la RD-Congo ont signé un accord pour promouvoir l’utilisation du port de Mombasa par les commerçants RD-Congolais. Selon cet accord, ces derniers y bénéficieront de certains privilèges. Le commerce rd-congolais représente 7,2% de toutes les marchandises en transit à ce port qui compte environ 100 hommes d’affaires congolais opérant sur place. « Les marchandises des congolais pourront être traités avec certains privilèges pour faire face à la concurrence de Dar es Salaam et Beira au Mozambique », affirme-t-on.