Gertler – Deal: F. Tshisekedi  empiète dangereusement sur l’extraterritorialité de la loi anti-corruption américaine!

Lors de la signature de l’accord entre la RDC et Dan Gertler

C’est la réalité que nul, en Rd-Congo, ne veut voir. Et pourtant, les choses ont toujours été assez claires du côté américain : une personne, une entreprise sanctionnée par l’administration américaine pour corruption, quel que soit le pays ou la région du monde où elle se trouve, est toujours déjà sous la coupe de la législation du pays de l’oncle Sam, surtout si la concernée utilise le dollar ou corresponde à l’aide d’un email dont le serveur est situé sur le sol américain.

C’est ce qui découle de l’extraterritorialité du droit américain, à travers sa loi anti-corruption baptisée Foreign Corrupt Practicises Act (FCPA). Cette loi fait suite à un énorme scandale de pots-de-vin chez l’avionneur Lockheed.  C’est aussi d’ailleurs la fameuse théorie des actes contraires, bien connue des juristes, mais que le gouvernement de la RD-Congo a bien semblé ignorer, en traitant en sa manière ce qu’il convient d’appeler l’affaire Dan Gertler, du nom du patron du groupe Ventura Development.

S’agit-il de l’expression de la volonté de Kinshasa de sauver l’homme d’affaire israélien et de mettre les USA devant un fait accompli, en lui brandissant, le cas échéant, cette brocarde juridique qui énonce que « nul ne peut être jugé deux fois pour un même fait » ? Pour quel intérêt le pouvoir de Kinshasa prendrait-il le risque de se mettre à dos la très puissante Amérique, en une année seulement de la tenue des élections générales ?

Un accord sans effet sur les sanctions Us contre Gertler

Sanctionné en 2017 par l’administration Trump pour ses pratiques de corruption, sanctions reconduites en janvier 2021 par l’administration Biden et en procès avec le nouveau régime de Kinshasa pour presque cette même cause, Dan Gertler était sur le point de desserrer l’étau autour de ses activités minières et pétrolières en RDC, n’eut été la vigilance de la société civile congolaise et surtout l’intervention de la toute puissante Amérique. 

En séjour de trois jours à Kinshasa au motif notamment de cette affaire, Brian Nelson, sous-secrétaire américain au trésor, a été on ne peut plus clair avec les autorités de Kinshasa.  Sur ce dossier, les Etats-Unis restent sur sa position, leur a-t-il fait savoir.  Ce qui signifie que l’arrangement à l’amiable conclu par Kinshasa avec la partie Gertler n’a donc aucun effet sur les sanctions américaines contre le puissant homme d’affaires et ses sociétés.  

Cet accord, signé le jeudi 24 février 2022 et annoncé le même jour, prévoyait notamment que les deux parties mettaient fin à leurs démêlés judiciaires au sujet des actifs miniers et pétroliers. Il semblait en outre prévoir que les deux parties s’engageaient dans un nouveau partenariat sur la base des carrés miniers et des blocs pétroliers que détenait la partie Gertler. C’est du moins ce qu’avait laissé entendre le richissime homme d’affaire, une semaine après l’annonce dudit accord.

A ce propos, le richissime homme d’affaire saluait cet arrangement comme « la voie à suivre » pour permettre au gouvernement « d’atteindre ses objectifs » et aux deux parties, «d’avancer de manière constructive ».  Il n’en fallait pas plus pour que cela éveille l’attention de la société civile, car pour elle, il n’était nullement question que cet homme, qui a fait perdre au trésor congolais plus d’un milliards USD, continue à bénéficier de quels qu’autres avantages. Position reprise par le missi dominici de Joe Biden, le précité Brian Nelson, qui a rassuré la société civile de la RD-Congo quant à la détermination des Etats-Unis à s’assurer que Dan Gertler ne tire aucun avantage financier ou autre compensation dans le cadre de cette entente, sous peine de sanctions à l’encontre de quiconque contreviendrait à cette décision.

Accord à la sicilienne

De l’avis de plusieurs analystes, cette sortie de l’administration américaine a réellement coupé l’herbe aux pieds de l’exécutif congolais dans son effort qui semble être celui d’affirmation de sa souveraineté sur tout ce qui concerne le sol et le sous-sol national.

Selon toute vraisemblance, le problème du pouvoir de Kinshasa s’est situé tout d’abord au niveau de la méthode avec laquelle ledit arrangement a été conclu, une méthode qui rappelle à bien des égards la maffia sicilienne. Comme cette dernière, ledit accord était en effet frappé du sceau du secret, ce qui est contraire à toutes les règles de transparence. Car, nul, hormis les parties contractantes, ne savait et ne sait réellement à quoi le pouvoir de Kinshasa s’est engagé dans ce nouveau deal avec le richissime homme d’affaires.   Comme dans une partie opposant deux franges de la maffia, le reste du monde ne s’est contenté que de l’annonce de la fin des hostilités entre les deux parties.  Pas un mot sur les clauses du protocole d’accord signé entre le gouvernement et partie Gertler au sujet des carrés miniers et des blocs pétroliers ! Même les USA, partenariat privilégié du régime Tshisekedi, n’en ont vu que du noir.

Restriction de l’extraterritorialité du droit américain

 « Mais le plus grave dans cette affaire est que le pouvoir de Kinshasa n’a pas du tout réalisé qu’en s’arrangeant ainsi avec Dan Gertler, il s’est, au fait, rendu coupable de la restriction de la portée de la législation américaine, précisément en matière de sanction et de lutte contre la corruption. Son acte a donc tenté de remettre en cause l’extraterritorialité du droit américain, ce qui est particulièrement très dangereux », pense maitre Arnold Mutombo, juriste-maison de cfinances.info.  

L’extraterritorialité du droit américain, présentée dans le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) en 1977, donne le droit à leur Département de justice de poursuivre toute entreprise internationale s’adonnant à des activités frauduleuses, notamment en matière de corruption, lorsque l’entreprise en question possède un quelconque lien avec les Etats-Unis.

Pour faire simple, utiliser le dollar dans ses transactions ou même le fait d’avoir une adresse mail dont le serveur est situé aux Etats-Unis suffit pour être poursuivi. Et ici, comme l’enseigne d’ailleurs la théorie des actes contraires, la charge de suspendre ou de conclure la procédure de sanctions ne peut revenir qu’à l’entité qu’il les avait émises, à l’occurrence les Etats-Unis d’Amérique. « Mais dans le cas de l’affaire Dan Gertler, Kinshasa s’est comporté comme si la charge de boucler cette affaire lui revenait exclusivement, sinon c’était comme s’il avait reçu une habilitation de l’administration américaine la permettant d’agir à son compte dans ce dossier. Il suffit d’analyser les communications du gouvernement et de l’homme d’affaire sanctionnant la fin des démêlés judiciaires et la conclusion de l’arrangement amiable entre les deux parties pour s’en rendre compte », explique maitre Mutombo. Celui-ci fait ici référence à une série de déclarations du porte-parole du gouvernement et ministre de la communication, Patrick Muyaya, où il disait notamment avoir rencontré « une personne de bonne foi qui est venue discuter avec nous dans la bonne foi », ce qui a permis au gouvernement de conclure cet accord qui doit être en premier partagé avec le gouvernement américain « qui nous a aidé dans le recouvrement des actifs qui sont les nôtres grâce à sa politique de sanction ». Mais aussi à celle de la partie Gertler qui affirmait être désormais totalement « engagé à respecter les procédures de bonne gouvernance d’entreprise qui ont été mises en œuvre et à assurer une surveillance indépendante appropriée de toutes mes activités commerciales, qui seront menées de manière totalement transparente »

On remarquera que cette dernière proclamation fait déjà croire à l’activation de la procédure de la mise en conformité des entreprises du puissant homme d’affaire israélien avec les standards de la règlementation américaine en matière de lutte contre la corruption, ce qui n’est pas réellement le cas !

A noter qu’Il s’agit de la première étape de la procédure que déploie le département américain de la Justice, au cas précis où la partie visée pour cause de corruption accepte de coopérer. « Dans cette étape, développe notre source, l’entreprise, en intelligence avec un cabinet d’audit reconnu par la partie américaine, accepte de mener sa propre enquête et apporte elle-même les preuves de sa propre culpabilité. Cela, en fouillant dans ses propres documents afin de trouver les fraudes qu’elle a commises pour les apporter ensuite à l’administration américaine. Une fois ces éléments de preuves apportés, le montant de l’amende est négocié avec le département américain de la Justice ».

Que la RD-Congo se donne faussement de l’importance

Un autre aspect que Kinshasa a semblé ignorer, c’est la visée géopolitique qui se cache derrière le déploiement de sanctions américaines.  

Toujours selon notre source, l’extraterritorialité du droit américain, en dépit de son apparence morale de lutte contre la corruption à travers le monde, n’est rien d’autre qu’un instrument d’influence économique pour la pérennisation du leadership américain au niveau de l’économie mondiale, par le biais de ses entreprises.   

Pour notre juriste, les sanctions américaines sont une arme que déploie l’Oncle Sam soit pour écarter un concurrent (c’est le cas de la société française Alcatel), soit pour empêcher qu’un concurrent se vende aux russes ou aux chinois (c’est le cas de la française Alstom), soit pour faire respecter leurs embargos à travers le monde (c’est le cas de l’amende de 9 milliards $ infligé en 2014 à BNP-Paribas pour n’avoir pas respecté leur embargo sur le Cuba et l’Iran).  

En RD-Congo, les chinois ont gagné du terrain notamment dans les mines du grand Katanga et cela inquiète beaucoup les américains dont ces derniers sont des sérieux concurrents. Il sied de reconnaitre que si la Chine en est arrivée là, c’est entre autres à cause des américains eux-mêmes, pour avoir notamment vendu, à 2,65 milliards USD, la mine congolaise de Tenke Fungurume au groupe chinois China Molybdenum. Ce qui permit à l’Empire du milieu de contrôler totalement tout le circuit du cuivre et du cobalt congolais. 

Les USA avaient misé sur l’arrivée de Mike Hammer comme ambassade américain en RD-Congo, pour corriger ce déséquilibre et ainsi permettre à son pays de reprendre pieds dans les mines congolaises.

Il faut rappeler à ce propos qu’avant d’être investi, l’actuel ambassadeur avait présenté la mission qu’il attend accomplir une fois en poste à Kinshasa, à savoir : contrôler au profit des USA toutes les mines de la RD-Congo. Et l’on n’est pas sans ignorer le rôle qu’avait joué cet ambassadeur dans la reconduction de sanctions contre Dan Gerler que l’administration Trump avait levé avant de passer le relais à Joe Biden.   Et croire que les américains se sont activés de la sorte pour les beaux yeux de congolais, c’est rêver, conclut-il. 

Dieu merci Mayuma

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