« Folie contractuelle » : après avoir ouvert l’est à Kigali et Kampala, c’est le tour d’ouvrir l’ouest à Brazzaville
Bailleurs de fonds, encore bailleurs de fonds… Cela semble être le leitmotiv qui justifie certaines décisions sensibles du gouvernement de la RDC. Comme pour dire l’occasion faisant le larron, Félix Tshisekedi a chargé Christian Mwando, Ministre d’Etat, Ministre du Plan d’apprêter le dossier relatif au projet Pont route-rail Kinshasa-Brazzaville. Selon le président congolais, « cela va permettre aux bailleurs de fonds de décaisser les moyens nécessaires pour le début des travaux ». Tshisekedi voit déjà 550 millions USD atterrir dans sa gibecière. Il urge son ministre à déposer l’accord au Parlement en vue de parvenir à sa ratification.
Le hic est que ce projet, comme bien d’autres qui ont existé sur papier depuis des dizaines d’années, n’ont jamais vu le jour parce qu’ils tuent les économies entières des provinces. Avec une très faible connectivité entre les différentes régions du pays, le commerce intra-congolais représente moins de 10% du volume commercial total du pays. Chacune des provinces se tourne quasiment vers l’extérieur. En conséquence, cette faiblesse des flux commerciaux internes affecte négativement les transports intérieurs du pays.
Pour les régions de l’ouest du pays, la province du Kongo-Central est la seule fenêtre ouverte au monde par la voie maritime. Cette province dépend entièrement des activités de ses trois ports maritimes de Matadi, Boma et de Banana. Raison pour laquelle elle s’est toujours opposée au projet Projet d’Aménagement des accès routiers au pont Route-Rail reliant Brazzaville et Kinshasa. Une petite comparaison permet de comprendre que les trois ports congolais du Kongo-central ne pourront pas faire concurrence à leur voisin de Pointe-Noire si ce dernier dessert la RD-Congo en passant par Kinshasa.
Hormis les taxes et toute la parafiscalité qui rend le parcours des importateurs de la RD-Congo comparable à celui d’un combattant, il faut compter avec la faible capacité technique des services portuaires, l’état des routes pour acheminer la marchandise à destination, l’entreposage, la corruption endémique, l’insécurité, l’instabilité économiques, la multitude de service, etc., le port de Pointe-Noire serait un choix privilégié pour tout celui qui voudra attendre Kinshasa et l’Ouest de la RDC via les eaux.
Tenez, le principal et plus grand port de la RD-Congo n’a qu’une capacité de manutention annuelle de 2.500.000 tonnes, mais constitue le point le plus important d’importation et d’exportation de l’ensemble du pays. Il est seulement équipé de 10 quais pour une longueur totale d’accostage de 1.610 m. Sa performance, malgré l’achalandage dû au manque d’alternative, est pauvre suite à la mauvaise qualité de l’équipement de manutention. Presque toutes les grues de rivage sur rail ne sont pas opérationnelles, alors que d’autres engins de manutention affichent une sévère fragilité, obligeant les navires qui y accostent d’amener leurs propres grues et autres engins de manutention de fret.
Le seul avantage qu’à jusqu’à ce jour de Matadi, c’est sa proximité avec Kinshasa (366 km en train et 355 Km), la capitale de la RD Congo, qui est le plus grand centre urbain du pays, par où la marchandise peut attendre facilement le grand Bandundu, le grand Kasaï et le grand Equateur. Cependant cet avantage va disparaître avec ce pont.
Par ailleurs, Matadi un port intérieur le long du Fleuve Congo, et dispose d’un faible tirant d’eau dicté par la hauteur de calaison sur le bief maritime, variant entre 5,8 et 6,7 m de profondeur. Par conséquent, les changements de calaison sur le bief maritime entraînent la congestion dudit port, qui est la cause majeure des suspensions du trafic fluvial et des retards d’accostage. Pire encore, Matadi est limité à quatre couchettes seulement, obligeant d’autres navires à attendre plus loin sur le fleuve ou au port de Boma jusqu’à la fin de la décharge et de la recharge. Cela est la cause des longues files de transbordement au port de Pointe-Noire par où arrivent les navires. On estime le temps moyen d’attente pour qu’un conteneur soit déchargé au port Matadi à 14 jours, soit bien au-dessus de la norme de 2 à 3 jours. Ce qui représente d’énormes pertes financières pour les exportateurs.
Et voilà, avec Felix Tshisekedi et son projet, Pointe-Noire, où se fait actuellement le transbordement, se voit offrir l’accès à tout l’ouest de la RD-Congo.
Le port de Pointe-Noire, cette masterdonne qui domine le nord du corridor Bas-Congo, est devenu un port autonome de type landlord depuis 2000. Avec ces 15 m de tirant d’eau, Pointe-Noire est un port en mer profonde. Déjà en 2005 , il a confirmé son rôle important dans la stratégie régionale des armements avec sa capacité de 3,3 millions de tonnes et 100 000 EVP qui fait de lui le port de décharges dont 75 % des marchandises sont destinées aux ports voisins de l’Angola, de la République démocratique du Congo et du Gabon.
L’année passée, Pointe-Noire a réceptionnant les quais D et G, d’une longueur respective de 720 m et de 800 m, en plus d’un nouveau quai polyvalent de 320 m, afin de recevoir les porte-conteneurs de 400 m d’une capacité de 14 000 équivalents vingt-pieds (EVP) sur 1 840 mètres linéaires de quais bien aménagés. Ces bateaux sont déchargés à moins de 24 heures. Il est relié à la capitale Brazzaville par route et par voie ferrée de 515 km.
Déjà avec ses difficultés techniques, la multitude de parafiscalité, la floraison des ports privés tel que le Matadi Gateway Terminal (MGT), le port de Matadi, Tshisekedi signe la disparition pure et simple de ce port ainsi que des deux autres.
Interrogés par notre rédaction, plusieurs notables ressortissants de cette province sont prêts à s’opposer à ce qu’ils qualifient de « folie contractuelle caractérielle du gouvernement Tshisekedi ». Cependant, ils rappellent que le gouvernement n’est pas dans son premier effet d’annonce. Selon eux, les travaux de construction dudit pont devraient débuter en août 2020, mais cela a été repoussé. Et 2023 qui est la nouvelle date avancée par le gouvernement sera en mode électorale. Ils s’attendent aux grands changements en RD-Congo qu’ils estiment que ce projet passera avec ses initiateurs. Et jusqu’en 2028 date prévue pour l’exploitation du pont, selon eux, rien ne sera fait. Wait and see.
C’est un projet qui nous affaibli economiquement. Nous devons nous y opposser. La rdc a accès a la mer, elle doit moderniser les ports de matadi et boma, construire le port en eau profonde de banana et interconnecter toutes les provinces.