Financement des élections : Guerre des chiffres entre le gouvernement et la CENI !

Siège de la CENI à Kinshasa

Vouée aux gémonies par l’opposition et les puissantes églises missionnaires (catholique et protestante) qui l’accusent d’être un homme de paille du régime, Denis Kadima voulait – il se donner une autre image ?  La question mérite d’être posée au regard des déclarations du nouveau président de la Ceni (commission électorale nationale indépendante), faites ce lundi 14 févier 2022, à la presse. Dénis Kadima Kazadi s’est montré optimiste quant à la tenue des élections dans le délai. Tout en précisant que si les élections venaient à être reportées, cela ne serait nullement le fait de son institution mais du gouvernement.  « Si les élections ne se tiennent pas dans le délai constitutionnel, le gouvernement sera l’un des responsables majeurs de ce retard », car jusque – là « la CENI n’a encore reçu ne serait-ce qu’un seul centime pour lancer les opérations pré-électorales », accuse l’ancien directeur exécutif de de l’institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA).

Cette déclaration contredit celle faite auparavant  par le porte – parole du gouvernement qui avait confirmé la « disponibilité» d’une provision pour la tenue des scrutins électoraux en 2023.  Ce, conformément à la ligne budgétaire pour l’organisation de ces échéances dans l’actuelle loi des finances,  qui s’élève à une somme équivalent à 350 millions de dollars américains. Ajoutez à cela, les 100 millions de dollars US de la loi des finances 2021, qui ont été reconduites en cette année budgétaire, selon le ministre des finances. C’est donc une provision totale de 450 millions de dollars américains que le président de la Ceni dit n’avoir absolument rien vu. « Vous parlez de 450 millions, mais je n’ai rien vu jusque – là », pose – t – il avec autant d’assurances.    « Faux », réagit le ministre des finances, Nicolas Kazadi, le même jour sur les ondes de notre consœur ‘‘Top Congo FM’’.   Qui a alors menti ? 

Nicolas Kazadi parle de près de 37 millions de dollars américains déjà transférés à la Ceni !

En réponse à cette question, le ministre des finances a préféré avancer des chiffres qui auraient déjà été versés aux comptes de la Ceni.  « Près de 37 millions de dollars US déjà remis à la CENI », dit-il.  « Le 2 décembre (Ndlr : 2021), nous avons payé 2,9 millions de dollars US à la CENI des frais d’installation et de fonctionnement », détaille – t – il.  « Au même moment, nous avons payé environ 10 millions de dollars US pour apurer tous les salaires des employés ». Décembre toujours, poursuit – t – il, « nous avons payé 4,5 milliards de francs congolais (Ndlr : plus de 2 millions de dollars US). Le 11 février, nous avons libéré 21,7 millions de dollars US pour les opérations électorales ». Mais qui dit vrai entre les deux ?

Difficile pour l’instant d’en répondre. Une chose reste néanmoins sûre, les mots du président de la centrale électorale affirmant qu’il n’y avait rien jusqu’avant qu’il ne monte sur les plateaux. « Je ne sais pas s’il y a eu revirement pendant que je vous parle », sinon il n’y a encore rien, a –t – il précisé. Ajoutant que « le mécanisme actuel par rapport au financement des élections laisse à désirer ». Mais la question qui se pose maintenant est celle de savoir si  la somme que le ministre des finances dit avoir payée à la Ceni était passée par quel mécanisme. Est – ce par le mécanisme qui laisse à désirer dont parle le président de cette institution, lequel mécanisme peut recevoir un virement pour la Ceni sans que son animateur principal en soit au courant ?  Autant des zones d’ombres qui ne manqueraient pas d’alimenter les soupçons de tout genre auprès de l’opinion publique nationale. Surtout que la population, à la suite de l’opposition politique et une bonne frange de la société civile, accuse déjà  le président de la centrale électorale de préparer le lit au report des élections de 2023, suite à la publication de la feuille de route de cette institution en rapport avec l’organisation des élections générales en Rdc. Une feuille truffée des contraintes implicitement annonciatrices du fameux glissement, fait – on remarquer.  

Dans le même entretien, Denis Kadima avait aussi tenu de lever ce qu’il qualifie de malentendu au sujet des contraintes évoquées lors de la publication de ladite feuille. Mais le morceau a été déjà lâché, obligeant certains politiques à sortir du bois. C’est le cas de l’ancien premier ministre, Augustin Matata Ponyo qui,  dans une tribune, demande aux autorités actuelles du pays de se ressaisir. Car, « le glissement est le meilleur moyen d’inviter la mauvaise gouvernance dans la gestion des affaires publiques (…), un éternel recommencement sur le chemin du sous – développement ».  Matata propose que les élections présidentielles, législatives nationales, provinciales et sénatoriales soient toutes organisées dans le délai constitutionnel.  «Il faudra, conseille – t – il,  que tous les paiements soient effectués six mois avant le jour du scrutin, soit au plus tard le 30 juin 2023. Cela permettrait à la Ceni de disposer du temps nécessaire pour dispatcher dans le vaste territoire congolais l’ensemble du dispositif électoral ».

En toute hypothèse, rien ne peut retarder les élections, estime – t – on à la suite de Matata

 Par ailleurs, Matata rappelle que si le déboursement des fonds avait commencé au lendemain de dernières élections (c’est – à – dire fin janvier 2019), le déboursement mensuel aurait été uniquement de près de 10 millions de dollars américains. Mais à ce jour, compte tenu du montant prévu dans le budget 2022 (360 millions de dollars US), « il ne resterait qu’un montant de 140 millions de dollars US à mobiliser d’ici fin juin 2023. Ce qui serait soutenable pour le budget de l’Etat », estime – t – il dans cette tribune datée du 28 janvier 2022.  Or, selon les calculs basés sur la somme prévue à cet exercice budgétaire et les 100 millions de dollars US de l’exercice passé, c’est plutôt 450 millions de dollars US qui seraient la provision que le gouvernement de la République Démocratique du Congo aurait déjà réservée pour l’organisation des élections en 2023. Après déduction, il ne restera que 40 millions de dollars US pour couvrir les 500 millions USD, avancés comme première hypothèse avancée de la CENI, sur laquelle s’est basée les calculs de Matata Ponyo. En toute hypothèse,  rien donc n’empêche à ce que les élections se déroulent en 2023 comme prévu.

Papy Mumputu

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