Félix Tshisekedi sur les traces de Mobutu : endettement, détournements et gabegie !
En RD-Congo, la malédiction des richesses se transforme aussi bien en malédiction de la dette. Après Lumumba, les pouvoirs qui sont installés avec le soutien de la communauté internationale, contractent des dettes qui profitent aux dirigeants et non au peuple qui continue à s’appauvrir. Une kleptocratie remplace toujours une autre, un cercle – vicieux.
Le 29 janvier 2022, Nicolas Kazadi, Ministre des Finances, a indiqué que le volume du portefeuille des projets financés par la Banque Mondiale continuait de s’accroître, passant d’une moyenne de 2 à 3 milliards en 2019 à plus de 5 milliards USD actuellement. Devant cette nouvelle phase d’endettement, cfinances.Info s’est intéressé à la nature des régimes qui contractent ces dettes, leur soutien international et la vraie utilisation des fonds. Elle vous livre ici les résultats de ses enquêtes. Entre tous, saute aux yeux cette triste constance : enrichissement illicite, gabegie financière et surtout cette triste manie qui consiste à s’endetter auprès des bailleurs extérieurs au nom du pays pour investir pour leurs familles, au grand dam de la population
Tshisekedi sur les pas de Mobutu et Kabila, ses milliards de dette
Arrivé au pouvoir suite à un jeu subtil de Joseph Kabila qui n’a pas réussi à s’accrocher, Félix Tshisekedi est depuis lors adoubé par les occidentaux dans un contexte presque similaire à celui de Mobutu. Craignant qu’il ne soit mis de côté par les Chinois, le FMI a choisi de permettre au gouvernement RD-Congolais d’emprunter plus facilement encore, ajoutant ainsi une nouvelle charge d’endettement pour le pays. A son arrivée au pouvoir, la Direction générale de la dette publique (DGDP) renseignait que l’encours de la dette publique en fin 2018 était de 5 milliard de dollar US dont 3,2 pour la dette externe et 1,8 pour la dette interne. A la fin 2021, il se chiffre déjà à 7 milliards de dollar US dont 4,6 milliards pour l’externe et 2,4 pour l’interne.
Après trois ans de gestion, pendant que la population découvre – médusée ! – les scandales de corruption qui entourent le régime, les milliards du FMI continuent de tomber. Comme à l’époque de Mobutu, nous assistons même à l’engouement de l’ambassadeur des États-Unis, malgré les plaintes de la société civile ou les regrets de ses collègues diplomates sur son activisme béat à côté d’un pouvoir qui accumule des scandales de corruption et de gabegie.
les scandales de corruption et l’enrichissement personnel en marche
Deux programmes, représentant près de 608 millions de dollars US, constituent à eux seuls le symbole de la corruption de la nouvelle kleptocratie : programme d’urgence des 100 jours (470 Millions USD) et Tshielejelu (138 millions USD). Depuis 2019, les affaires de détournement de fonds publics se suivent en boucle : 100 jours, 15 millions de dollars destinés aux compagnies pétrolières, taxe téléphonique RAM, Covid gate, pour ne citer que ceux-là. Les députés qui devaient surveiller cette gestion sont malheureusement devenus un autre symbole de la corruption, avec notamment une dotation présidentielle d’un véhicule SUV neuf pour chacun, représentant un montant total estimé à 25 millions de dollars américains !
S’agissant du RAM, les premiers 6 mois de son prélèvement avait générés plus de 266 millions USD, selon les estimations de l’Odep (Observatoire de la dépense publique). Des fonds disparus et au bénéfice de la famille Tshisekedi ! La gestion de cet OFNI (objet fiscal non identifié, selon les termes de Me Hervé Diakese) est confiée au beau – frère de Félix Tshisekedi, le Ministre de PNTIC (Poste, télécommunications et nouvelles téchnologies de l’information et de la communication). Sa sœur, Isabelle Kibassa Maliba, l’épouse de Jean-Claude Tshisekedi (grand frère de Félix Tshisekedi) dirige le bureau Best Consulting qui se cache derrière la société 5C Energy, créée en novembre 2019 et qui a signé un contrat avec l’ARPTC comme prestataire du service RAM, selon un expert de La Lucha. Donc, 30% de 266 millions de dollars sont directement orientés vers la belle-sœur, 40% destinés à l’État (dont les traces, selon le parlement, sont introuvables) et 25% sont ordonnancés directement par Félix Tshisekedi, selon le Ministre de PNTIC.
Si avec Mobutu c’était « volez mais volez un peu », Félix Tshisekedi restera aussi célèbre pour sa fameuse déclaration en 2019 : « La retro commission est une pratique légale en RD Congo ». Seule différence avec l’époque de Mobutu, cette vigilance de la population, à travers notamment les structures de la société civile comme La Lucha, Filimbi, ODEP, et tant d’autres.
Face à ce que l’ODEP avait qualifié d’ « institutionnalisation des mauvaises pratiques, avec un Parlement transformé « en temple de la corruption » et une Inspection générale des finances (IGF) qui banalise les violations de la loi, mais surtout un gouvernement court-circuité par les conseillers de la présidence « qui assurent les fonctions de ministre, sans aucun fondement juridique », ces institutions citoyennes constituent donc le seul rempart de tout un peuple.
Kabila sur les pas de Mobutu et son hold-up
Accédé au pouvoir après la mort de son père, contrairement à ce dernier qui pendant ses trois années de pouvoir faisait tête aux occidentaux et à leurs institutions financières, Joseph Kabila avait décidé dans un premier temps de faire profil bas. D’entrée de jeu, il aura le grand soutien occidental en tête duquel l’ex – puissance coloniale, la Belgique, dont le Ministre des affaires étrangères, Louis Michel, n’avait à l’époque hésité de dire à son sujet : « il faudra un processus de légitimation ». Il l’obtint auprès des occidentaux dont les Américains, avant de se tourner finalement vers la Chine. A son arrivée au pouvoir, le stock de la dette extérieure à la fin de 2000 s’élevait à environ 14 milliards de dollars US (soit l’équivalent de 900% du PIB), dont 80 % constituaient des arriérés de paiement du service de la dette, notamment du FMI et de la Banque mondiale.
S’inspirant du schéma mis en place par Mobutu, avec l’aide des conseillers de ce dernier, il va installer le même système en l’amplifiant. Pourtant, sa mère disait en 2006 sur leur famille avant le pouvoir : « Nous n’avions rien, je cultivais un petit champ et je vendais mes légumes au marché comme n’importe quelle femme pauvre africaine ». A ce jour, plusieurs enquêtes montrent que des sociétés appartenant à sa famille et ses amis ont vu des millions de dollars de fonds publics transiter par leurs comptes bancaires. En 2017, Bloomberg, le groupe d’étude sur le Congo et le Pulitzer Center révélait que le clan Kabila avait la main sur au moins 80 sociétés dans des secteurs divers et variés, ce qui représentait des centaines de millions de dollars de revenus depuis 2003. Le clan possède l’équivalent de dix fois l’île de Manhattan (à New York) de terrains en République démocratique du Congo, ce qui représente plus de 73 000 hectares.
Sa femme a une fondation et des sociétés comme Osifal qui fait un peu de tout : mines, pétrole, construction. Sa sœur, Jaynet, a des parts dans la société Vodacom – Congo; elle est aussi associée minoritaire dans une autre société, Kwango, qui a 53 permis d’exploitation du diamant. En plus de 43 autres permis que détient la famille, le total représente une zone de 720 km à la frontière avec l’Angola. Zoé Kabila, son frère, avait 10% sur le marché de la construction. C’est une famille qui s’intéresse à tout : les compagnies aériennes, les permis de conduire, les restaurants, ainsi que les mines et les terres. Des nombreuses sociétés, parfois avec des pseudonymes, et beaucoup de contrats sont obtenus dans le cadre d’un cas de force majeure, guerre ou catastrophe naturelle. C’est ce qui leur permet de se soustraire aux obligations légales, comme de payer des taxes. Au fil des années, certaines de ses entreprises ont directement bénéficié des contrats du gouvernement congolais, de la Banque mondiale, des sociétés américaines et des Nations Unies.
Riche, Joseph Kabila s’est retiré du pouvoir mais pas des affaires. Son empire familial reste intact. En 2020, le consortium « Congo Hold-up » a montré comment sa famille a utilisé une banque commerciale, la BGFI, pour servir ses intérêts et comment au moins 138 millions de dollars de fonds publics sont allés vers ses proches. A son départ , il a tout de même réussi à réduire la dette de la RD-Congo envers les institutions de Breton Wood tout en souscrivant des dettes chez les Chinois qui semblent avoir offert des conditions plus avantageuses, faisant craindre une rivalité entre la Chine et le FMI.
Mobutu et ses 5 milliards de dollar US
Un jour un américain s’écriait : « mais c’est bizarre, la fortune de Mobutu à son départ est presque l’’équivalent de la dette du Zaïre ! ».
Mobutu est arrivé au pouvoir après un coup d’État soutenu par la CIA en 1965, à la suite de l’assassinat de Patrice Lumumba. Pendant son règne, il a bénéficié de centaines de millions de dollars d’aide de Washington et des occidentaux, car ils le considéraient comme un allié clé et un rempart anticommuniste dans une région potentiellement instable et inhospitalière. Il avait longtemps bénéficié du soutien financier massif des Américains avant d’organiser son propre système de détournement des fonds publics et des richesses. Pendant trente-deux ans, il a réussi à obtenir des aides internationales et même à construire une fortune en pillant le pays.
Entre 1970 et 1994, le Zaïre a reçu 8,5 milliards de dollars de prêts et de subventions de bailleurs de fonds. Pourtant, depuis la fin des années 1960, les crédits présidentiels consommaient officiellement 15% à 20% du budget de fonctionnement du gouvernement et 30% à 50% du budget d’investissement. Le 20 mai 1975, parlant de la lutte contre la corruption Mobutu disait : « Si tu veux voler, vole un peu et avec intelligence. Si tu voles beaucoup pour devenir riche du jour au lendemain tu seras attrapé ! »
En 1988, des responsables de la Banque mondiale et de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) avaient déclaré qu’environ 400 millions de dollars de revenus provenant des exportations de minerais du Zaïre avaient disparu et n’avaient jamais été comptabilisés.
Mobutu, le maitre inventeur des montages financiers
Mobutu avait su créer des sociétés factices à but lucratif comme Risnelia, enregistrée au Panama, qui avait organisé en 1974 le combat entre Muhammad Ali et George Foreman. Cette société appartenait à 100% à Mobutu et le gouvernement zaïrois avait financé la promotion du combat avec des fonds publics. En 1977, il est déjà considéré comme le troisième employeur du pays avec 25 000 travailleurs. Il possédait de vastes terres à l’intérieur du pays, accumulant un vaste empire agricole de plantations de café, de thé et de caoutchouc, des terres saisies, regroupées et gérées par le conglomérat sous le nom de CELZA (Cultures et Élevages du Zaïre). Il était devenu le principal actionnaire de la Banque de Kinshasa où toutes les entreprises publiques tenaient leurs comptes. Il a acquis des intérêts indirects dans les opérations zaïroises d’ITT-Bell, Fiat, Gulf, Pan Am, Renault, Peugeot, Volkswagen et Unilever.
En 1997, une enquête du ‘‘Financial Times’’ affirmait que Mobutu avait réussi à détourner et gaspiller les fonds alloués par des institutions financières avec la bénédiction des gouvernements occidentaux, qui ont continué à verser des subventions dont bien peu sont arrivés au peuple. Dans un article publié la même année, le ‘‘Los Angeles Times’’ renchérissait. Expliquant que durant son règne, le trésor public a été pillé, l’aide étrangère – y compris, l’argent des contribuables américains acheminé par la CIA et d’autres agences -, des actifs économiques (tels que des mines de cuivre et des plantations de cacao) ont tous été détournés. Les sommes détournées servaient à sa famille et permettaient d’assurer la loyauté de la garde présidentielle, d’un vaste réseau politique, des représentants des gouvernements et politiciens étrangers. La presse américaine considérait l’Occident et les États-Unis en particulier comme ceux qui ont autorisé ce qui était considéré à l’époque comme le plus grand acte de vol à grande échelle commis en Afrique postcoloniale.
La fortune de Mobutu a été estimée à 5 milliards de dollars américains. Son empire immobilier comprenait au moins 30 biens immobiliers d’une valeur combinée minimale de 37 millions de dollars, à savoir : Belgique (Neuf propriétés), France (Cap-Martin et une luxueuse maison de ville sur l’avenue Foch à Paris), Italie (un château du XVIe siècle à Valence), Portugal (Algarve), Maroc (Marrakech), Brésil, Suisse (Savigny et une résidence de 32 chambres à Lausanne), Espagne (Madrid, Marbella), Sénégal (Dakar), Côte d’Ivoire (Abidjan), Zaïre (11 propriétés), et Afrique du Sud (Johannesburg). Une grande partie était détenue au nom des sociétés écrans, d’associés commerciaux et des membres de la famille n’utilisant pas le nom de Mobutu. Certains experts affirment que sa fortune s’était finalement réduite à cause de sa pratique d’utiliser l’argent pour acheter des ennemis potentiels. En 1993, Mobutu lui-même avait déclaré à un journaliste du magazine « Time » que ses fonds disponibles « ne s’élevaient pas à plus de 10 millions de dollars« , sans inclure les avoirs immobiliers étrangers ou les actifs non liquides. Pour certains experts, il se situerait finalement entre 50 et 125 millions de dollars à la fin de son pouvoir.