Face à la virulence d’attaques contre le budget 2022, le Sénat brûle la politesse à l’Assemblée nationale, qui n’a pas encore fini de l’examiner !
Pas du tout interdit par les textes règlementaires mais, le fait semble tout de même défier la pratique parlementaire en vigueur depuis 2006. Alors qu’il est encore au niveau de la commission Ecofin (économique et financière) de l’assemblée nationale pour une lecture approfondie, alors que l’assemblée nationale n’a pas encore adopté les amendements et correctifs nécessaires qui lui seront certainement présentés par ladite commission, le projet de loi de finances exercices 2022 est en effet déjà envoyé au sénat, qui n’a pas voulu attendre la fin de la procédure au niveau de la chambre basse. C’est le ministre du budget, Aimé Boji, qui l’a déposé, le vendredi 26 novembre 2021, au bureau du sénat. Au sortir de l’audience avec Modeste Bahati, président du sénat, le ministre du budget n’a pas tari pas d’explications pour justifier cette démarche.
« Sur invitation de Bahati »
« On est venu, sur invitation du président du sénat, pour remettre le document qui contient le projet de loi de finances exercice 2022. Comme vous le savez, ce projet est en cours d’examen à la chambre basse. Donc, le sénat va recevoir le rapport de l’assemblée nationale pour un examen en seconde lecture. Néanmoins, pour que les honorables sénateurs prennent connaissance du texte, qu’ils commencent déjà à comprendre sa philosophie et à préparer cette deuxième lecture, il est important qu’ils aient déjà pris connaissance de son contenu », a – t – dit. Avant de se rabattre sur les caractéristiques de cette loi de finances : « ce projet de loi est chiffré en recettes comme en dépenses à 10 milliards USD, soit un accroissement de 42% par rapport au budget 2021 ». Puis : « Il y a aussi une nette amélioration dans les dépenses d’investissements » ; puis : « nous avon réduit le train de vie des institutions. Nous avons aussi maintenu la part des dépenses de fonctionnement à peu près 9,8% ». Mais ce que le ministre n’a pas dit, est que ce projet de loi de finances, avait, lors de sa présentation au niveau de l’assemblée nationale, été sévèrement critiqué par des députés nationaux, qui ont relevé notamment la modicité de ligne crédits alloués aux secteurs qui touchent directement à la vie de la population et à l’intégrité du territoire national. Entre les lignes de crédit, ils ont par exemple fait remarquer que le fonctionnement des institutions politiques nationales couvre, à lui, 38% de cette loi de finances, alors que les dépenses liées à la défense nationale ne représentent que 3% et l’emploi 0,27%.
« La politique mise en œuvre dans… »
« La politique mise en œuvre dans le budget 2022 est résolument régressive incarnant un état indolent, insouciant et délié de ses obligations fondamentales et qui se complait dans son incapacité à assurer ses missions régaliennes et de promouvoir le bien – être collectif », avait relevé le député nationale Délly Sessanga, dans une tribune publiée le vendredi 22 novembre, soit 4 jours après que ledit projet de budget ait été jugé recevable par l’assemblée nationale et transféré à la commission Economique, financière et de contrôle budgétaire pour un examen approfondi. « Le projet de loi des finances a été mis au débat plus deux mois après le dépôt pourtant effectué diligemment par le premier ministre en date du 14 septembre 2021. A trente jours de la clôture de la session budgétaire, le bureau de l’assemblée nationale aura anéanti par sa gestion chronophage l’impact de cet effort gouvernemental. Pour une fois, l’assemblée nationale aura gâché l’opportunité créée consacrer ainsi au débat budgétaire la durée légale de 40 jours. La séance marathon du 15 novembre sur le débat général est un arbre qui cache la forêt sur l’absence d’un débat de fond sur les finances publiques telles que les questions d’ordre stratégiques concernant la réelle dimension normative du budget, ainsi que les sanctions contre les gestionnaires publics, le problème des choix de société, la cohérence des politiques fiscales, la qualité et la composition de la dépense publique ainsi que la politique d’affectation des recettes additionnelles », accuse – t – il.
« Autant de questions pour ce budget »
Juste après son dépôt au bureau de l’assemblée nationales par le premier ministre Sama – Lukonde, le professeur Mabi Mulumba s’était déjà montré très critique sur les prévisions de ce dernier projet de loi des finances. « Ce projet de budget est irréaliste », avait estimé cet ancien premier ministre. Au vu certainement des réalités économiques de la Rdc et surtout considérant que l’actuel projet de budget ne porte aucune réforme majeure sensée soutenir une telle prévision. Au contraire, durant l’élaboration dudit projet, l’on avait notamment noté cette décision du vice – premier ministre et ministre de la fonction publique portant révision à la baisse de l’IPR (impôt professionnel sur le revenu), de 15 à 3%, à dater du mois d’avril 2022. Donc, une volonté de faire baisser les recettes de l’état, au lieu de l’augmenter afin de donner au gouvernement les moyens de sa politique. C’est donc autant de questions que soulève ce projet de loi des finances, lesquelles devaient déjà être sérieusement débattues au niveau de l’assemblée nationale, mais hélas ! Face à la virulence de ces nombreuses critiques, la famille politique du chef de l’état Félix Tshisekedi, à travers le dépôt précipité de ladite loi des finances, voudrait – t- elle rectifier le tir ? Tout, en tout cas, porte à le croire.