Crise Russo – Ukrainienne : quel impact sur l’économie congolaise ?
A Kinshasa, capitale de la RD-Congo, une manifestation en soutien à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine a surpris plus d’un sur les réseaux sociaux. Tant qu’elle semble insolite dans cette ville, pour laquelle ce conflit leur est complètement égal. «Ca fait de plus de 20 ans qu’on nous tue à l’Est, c’est seulement ça qui nous préoccupe», explique Serges, un réparateur de téléphone du Marché Type K, situé en face de l’aérodrome de Ndolo. Sur ce marché, comme dans différents lieux de négoce, nul ne se préoccupe vraiment de la guerre qui sévit actuellement en Ukraine, ont observé nos reporters.
Même l’activisme du ministre des affaires pour aider les quelques RD-congolais vivant en Ukraine, ne semble touché personne ! Pourtant, au lendemain de la reconnaissance de deux provinces séparatistes par le président russe Vladimir Poutine, les signes n’étaient guère à la fête. Sur le marché international, les prix notamment du blé et du maïs ont flambé sous la menace d’un conflit majeur avec l’Ukraine. Le cours de blé avait atteint la barre de 344 euros la tonne avant de dégonfler. Il se situe présentement autour de 320 euros sur l’échéance de mars, un niveau toujours très élevé par rapport à la très récente période, où cette denrée s’écoulait à 311,5 euros la tonne à partir de fin novembre 2021.
Cette tendance s’observe aussi du côté du cours de maïs, lequel se négocie actuellement à 304 euros la tonne alors qu’à l’ouverture, il s’achetait à 280 euros la tonne. Même tendance au niveau du cours du baril de pétrole, qui a franchi la barre symbolique de 100 dollars américains (105,02 Usd), une première depuis 2004.
Des sanctions occidentales pour assécher les finances de la Russie et briser son élan de redressement !
Parallèlement, les occidentaux ont réagi à la décision de reconnaissance des provinces séparatistes et l’invasion des troupes de Vladmir Poutine par des sanctions contre la Russie. Au nombre de celles – ci, il y a notamment :
- Les restrictions en matière de relation économique avec les zones oblasts de Donetsk et de Louhansk non contrôlés par le gouvernement ;
- Les restrictions à l’accès de la Russie aux marchés des capitaux de l’Union européenne et des Etats-Unis ainsi qu’à leurs marchés et services financiers ;
- L’interdiction d’exporter vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale, ainsi que de technologies de raffinage pour l’industrie pétrolière ;
- La suspension de la certification du Gazoduc Nostream 2 ;
- L’embargo sur quatre Banques russes, dont les deux plus grandes du pays SBERBANK et VTB Bank ;
- Le géant Gasprom et 13 autres grandes entreprises du pays qui ne pourront plus lever de fonds sur les marchés financiers occidentaux.
L’option d’exclure le pays de Vladmir Poutine du service de communication interbancaire (Swift) a été levé hier samedi 26 février et une partie de banques russes y sont donc exclues. L’objectif de cette mesure, « paralyser le système financier russe », précise Ursula Von Der Leyen. Une mesure encore pour la consommation de l’opinion publique occidentale qu’efficace pour vraiment faire mal aux finances russes, mais ce n’est que le début, assure la commission de l’Union européenne. Est-ce l’occident va-t-il pousser le bouchon jusqu’à l’exclusion totale des banques russes ? Rien n’est moins sûr. Car, les effets en cascade (de cette mesure) risquerait de déstabiliser le système financier mondial, pense-t-on au niveau des gestionnaires du Swift.
Selon les occidentaux, toutes ces sanctions visent à assécher les finances de la Russie et à briser à jamais son élan de redressement. Il semble bien évident que la Russie se serait préparée pour faire face à cette batterie de sanctions. Mais à mesure que cette situation de tension va perdurer, avec des sanctions contre cette Russie déjà très bien connectée dans l’économie mondiale, les prix sur les marchés ne manqueront pas aussi de s’affoler, estiment plusieurs analyses.
Même son de cloche, avec le Fonds monétaire international qui a tiré une sonnette d’alarme, au soir du premier jour du déclenchement des hostilités contre l’Ukraine. Pour cette institution monétaire, cette crise – provoquée selon le français Eric Zemmour par les Etats-Unis pour avoir élargi les frontières de l’Organisation de l’Atlantique Nord jusqu’à la sphère d’influence russe-, risque d’avoir des graves conséquences sur l’économie mondiale.
Au salon international de l’agriculture à Paris ce samedi 26 février, le président français Emmanuel Macron a, de son côté, averti que cette « guerre durera et il faut nous y préparer ». Emmanuel Macron a indiqué que son gouvernement préparait déjà un « plan de résilience pour faire face aux conséquences économiques de cette crise ». Ce plan va se décliner en deux temps : le premier, pour « sécuriser » les filières françaises d’intrants et en second lieu, en vue « de bâtir des boucliers en terme de coûts », explique-t-il. Mais qu’en est – il de la Rdc ?
Avec son économie extravertie et vulnérable au moindre choc exogène, la RDC en danger ?
«Si cette situation perdure, si cette tendance haussière se maintient sur le marché international, la RD-Congo, avec sa la structure économique extravertie et très vulnérable au moindre choc exogène, pourrait faire face à deux situations complètement contradictoires, qui soulignent la délicatesse de la position dans laquelle se trouve son économie », selon l’économiste Pumbulu Lasio, précisant que le pays pourrait subir de plein fouet les effets pervers de cette crise.
Il sied d’indiquer, d’après plusieurs experts en bourse, qu’il faudrait tout au moins 10 jours seulement pour voir les effets par exemple du cours actuel du baril de pétrole (105,02 Usd), se répercuter au niveau de la présente structure des prix du carburant à la pompe. La RD-Congo dont les prix dans le secteur pétrolier viennent à peine d’être ajustés serait alors de nouveau contraint de revoir à la hausse les prix du carburant à la pompe, ce qui provoquerait par le fait même la hausse généralisée des prix sur les marchés de consommation. Le pays, estime notre économiste, peut aussi agir dans un autre sens, face à cette tendance haussière du pétrole sur le marché international. Notamment en augmentant ses subventions auprès des importateurs pétroliers, ce qui leur permettrait de combler le déficit créé par les fluctuations actuelles du marché. « Mais cela ne se fera pas sans conséquences au niveau de réserves de change du pays », ce qui pourrait creuser davantage le déficit de la balance de paiement du pays, estime notre source. Cette dernière conseille alors au gouvernement de la république de préparer anticipativement des mesures pour prémunir le pays des effets de cette crise. Au lieu d’attendre l’aide du FMI, le pays peut déjà utilement appliquer la mesure portant réduction du train de vie des institutions, pense notre économiste. Il sied de rappeler que selon le plan proposé par le député national Delly Sesanga, cette mesure permettrait à la RD-Congo de générer des économies de 650 millions de dollars américains.
Nécessité de valoriser le manioc pour faire face aux conséquences de la hausse du cours de blé…
A part le pétrole, il y a aussi le blé dont le cours est à un niveau le plus haut. Premier producteur mondial de blé, le pays de Lénine en exporte 35 millions de tonnes sur une production de 80 millions. De son côté, l’Ukraine pointe en 4ème position. A eux deux, ces pays assurent près d’un tiers des échanges mondiaux de blé (32%). Il est donc évident qu’avec la crise qui se poursuit que la tendance haussière de blé sur le marché va se maintenir, ce qui pourrait entrainer la hausse du prix de pain en RD-Congo, fait observer Pumbulu Lasio. Comme solution, ce dernier propose au gouvernement de valoriser la production locale du manioc. Selon une étude de l’Institut National pour l’Etude et la Recherche Agrononomique, la RD-Congo est le troisième pays parmi les six plus grands producteurs du manioc dans le monde et le deuxième en Afrique après le Nigéria. Avec sa production de 15 millions de tonne par an, la consommation humaine du manioc est la plus élevée au monde. Un congolais consomme en moyenne 453 kg de racines fraîches par an, soit 145 kg de farine de manioc. En décembre 2020, le ministre de l’industrie avait fait part de la volonté du gouvernement de valoriser les produits locaux dont le manioc pour relancer l’économie. Julien Paluku avait notamment signé une norme visant à réduire l’importation de blé d’un certain pourcentage et prévoyant l’utilisation au seuil minimum de 5% de farine panifiable à base de manioc pour la boulangerie et 10% pour la pâtisserie. Les services de communication du ministre avaient indiqué que cette norme devait être publiée au journal officiel. Mais depuis, rien n’a été fait. Pour notre économiste, il s’agit maintenant d’accélérer les choses pour prémunir le pays de ce côté-là.
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