Avec son Alingete et contre la justice, Tshisekedi bloque lui-même les investisseurs sérieux
L’inspection générale des finances comme « paravent d’un système de pillage institutionalisé bien rodé du régime de Félix Tshisekedi » est loin d’être une projection de l’esprit de son opposant Martin Fayulu, mais une réalité que la justice du pays, censée assurer un climat d’affaire équitable et exempt de corruption, n’a cessé de dénoncer.
Felix Tshisekedi ne cache pas sa fierté lorsqu’il parle de l’IGF. Devant la représentation nationale, dans son discours sur l’état de la nation du 13 décembre 2021, il n’a pas manqué d’occasion pour tirer à boulets rouges contre le système de la justice de la RD-Congo, mais louer les actions de l’IGF en ces termes : « A mon accession à la Magistrature suprême, j’annonçais que l’Etat de droit, une justice indépendante, la lutte contre la corruption et l’impunité constituaient le leitmotiv de mon action dans son volet de la gouvernance politique. C’est dans ce sens qu’il faut placer la redynamisation de certaines structures. En effet, j’ai mis un point d’honneur à améliorer l’efficacité de l’Inspection Générale des Finances, (« IGF », en sigle) dont l’action était, jusqu’à mon arrivée, peu perceptible (…). Placée sous mon autorité directe, l’Inspection Générale des Finances contribue efficacement à l’effort d’assainissement des finances publiques et cela, à la grande satisfaction de nos populations. Néanmoins, l’IGF ne peut remplacer l’action du Pouvoir judiciaire ayant seul la mission constitutionnelle de dire le droit, » avait déclaré Félix Tshisekedi, avant d’ajouter plus loin : « Malheureusement (…) je ne saurais rester indifférent, en ma qualité de Magistrat suprême, aux cris de détresse et de désolation des congolaises et congolais qui, chaque jour qui passe, réclament plus de garanties d’une bonne et saine administration de la justice. Aujourd’hui encore sur le banc des accusés, notre justice devait pourtant rassurer tout le monde, nantis ou non, puissant comme faible, en ayant pour égard que la protection des droits. »
Le 16 novembre 2021, l’IGF se voit doter d’une amphithéâtre moderne de 120 places qui d’ailleurs porte le nom du président de la République. Quelques semaines plus tard, 130 véhicules sont remis aux inspecteurs de l’IGF. De 60 inspecteurs, ils sont passés à 145 en 2021 et au début de 2022, ils passeront à au moins 200. Tout ceci accompagné par une ligne de crédit de 35 millions USD clairement dégagée du budget de la RD-Congo pour l’année 2022 en faveur de l’IGF. Et comme si tout cela n’était pas suffisant, Félix Tshisekedi avait signé une ordonnance présidentielle en 2020 qui accordait à l’IGF 10 % de la rétrocession payées aux régies financières et 5% des recettes non fiscales. Le tout représente, selon l’enquête menée par l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) en novembre 2021, un montant qui avoisine 26 millions $ pour l’exercice 2021. Plusieurs analystes reprochent à l’inspecteur général, Jules Alingete, sa publicisation en excès qui coûte à l’Etat lorsqu’il se tape des pages entières dans des journaux internationaux prestigieux comme Forbès.
La question qu’on se poserait serait de savoir tout ça pourquoi, si l’IGF n’a qu’une compétence très limitée, comme le dit le chef de l’Etat Congolais et que le grand travail revient à la justice ?
La réponse du berger à la bergère
La réplique n’est pas d’abord venue ni de l’opposition, moins encore des organisations de la société civile qui voient d’un très mauvais œil c’est trop plein de prodigalités envers des services rattachés, pour ne pas dire contrôlés par lui-même Félix Tshisekedi.
La réplique est venue de la justice elle-même. Non seulement que la justice congolaise manque des infrastructures appropriées presque partout dans le pays ainsi que d’un personnel de qualité et en quantité suffisante, le pire est qu’elle manque même des simples papiers et stylos pour écrire.
Dans une interview accordée à un confrère congolais, le patron du parquet général répond directement à Felix Tshisekedi qui d’ailleurs l’avait nommé à la même période que l’inspecteur général Jules Alingete.
«Cette question de moyen se pose avec sérieux. Il faut l’aborder sans se voler la face… Je suis nommé procureur général depuis un peu plus d’une année. Je n’ai jamais reçu un seul franc du trésor public pour faire fonctionner mon office… De fois il faut attendre que HCR, Unicef, ou Pnud vienne vous donner du papier et des stylos pour écrire, parce que le travail du magistrat c’est lire et écrire à longueur des journées…. Il faudrait attendre la solidarité de ses organisations que je viens de citer pour avoir le moyen de fonctionner… Quel rendement on peut attendre d’une telle organisation surtout quand il s’agit de mener des enquêtes contre la corruption… Et pourtant, j’ai appris qu’il y a des crédits budgétaires consacrés à cette fin… », telle une réponse du berger à la bergère du magistrat du parquet général au magistrat suprême, Félix Tshisekedi.
Plusieurs organisations ont d’ailleurs dénoncé non seulement le laissé-pour-compte du système de justice ordinaire du pays et le développement d’un système de contrôle parallèle via l’IGF, mais surtout comment cette institution fait le sourd-muet dans les dossiers concernant les proches du chef de l’Etat. Comme pour paraphraser l’opposant au régime de Felix Tshisekedi, Martin Fayulu, « alors que le fonctionnement de la Cour des comptes est paralysé à dessein, l’Inspection Générale des Finances, IGF, symbole d’une lutte cosmétique contre la corruption, sert de paravent à un système de pillage institutionnel bien rodé ».
Pour réellement mobiliser des investissements dont la RD-Congo a besoin pour créer des richesses et se développer, le bon climat des affaires passe nécessairement par la bonne justice. Il convient de rappeler qu’en 2020, pour « la facilité de faire les affaire », le « Doing Business » avait classé l’économie de la RD-Congo à la 183ème position sur 190 pays étudiés, juste devant la République centrafricaine, le Soudan du Sud, la Libye, la République du Yemen, le Venezuela, l’Erithrée, et la Somalie. En analysant les détails de ce classement, il apparait que la RD Congo figure toujours au bas de l’étage pour beaucoup d’indicateurs, notamment le raccordement en électricité (177), l’exécution des contrats (178), la protection des investisseurs minoritaires (176), paiement des taxes et impôts ( 180), commerce transfrontalier (187). En rassemblant et en analysant des données quantitatives complètes pour comparer les environnements de réglementation des affaires à travers les économies, le rapport « Doing Business » encourage les économies à concourir vers une réglementation plus efficace. Ces études fournissent des données sur la facilité de faire des affaires, classent chaque pays et recommandent des réformes pour améliorer les performances des indicateurs.
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