Alerte : il veut déflagrer l’économie !
Au ministère des finances, on bombe les torses. La performance dite légendaire… donne déjà de l’ivresse au boss et à ses sous-fifres et thuriféraires, plus dédaigneux qu’on ne les avait connus ! Bien que non loin de là, l’Inspection générale des finances lui réclame déjà le trophée d’augmentation des recettes, fruit, dit-on, des patrouilles financières d’Alingete et, comme on le souffle sous les tables, que ces réformes ont été menées et laissées par Kabila, Nicolas Kazadi veut, lui, montrer que c’est lui le boss et a choisi d’imposer… sa marque.
Au sortir du conseil de ministre de la première semaine de juillet dernier, il avait réussi un coup de maitre. A l’unisson, le gouvernement rd-congolais appelle dorénavant son peuple à mettre sa ceinture de sécurité pour une partie de Sky Surfing : la dédollarisation. Le problème est qu’une fois dans les airs, à quoi servira-t-elle, cette ceinture ?
De l’enfumage à la folie… de grandeur ?
L’idée, qui parait folle, mais pas impossible, de dédollariser l’économie de la RD-Congo a été remise au goût du jour par Nicolas Kazadi, le 20 juin 2022, lors la cérémonie de restitution de la notation financière souveraine de la RD-Congo en monnaie locale, par l’Agence Bloomfield international corporation. Sont présents dans la salle, le directeur général de l’Agence Stanislas Zeze – venu personnellement décerner à la RD-Congo sa note BBB à long terme avec une perspective stable et la note A2 à court terme avec une perspective stable -, la gouverneure de la banque centrale et un pactole de ministres. Dans son invention, Stanislas Zeze ne manque pas de saluer les efforts déployés par le gouvernement rd-congolais, à travers son ministre des finances, afin de faire face à ses obligations financières en Franc congolais, à court, moyen et long termes.
Déjà à l’époque, le monde des finances avait crié à l’arnaque. Mais ces alertes ont été étouffées par les vacarmes des performances. Oui, on peut tout reprocher à Kazadi, mais les chiffres et la politisation du rendement, il sait en tirer profit. Cependant, la vérité reste têtue. Premièrement, les causes qui avaient conduit à la dollarisation, restent très présentes dans l’économie rd-congolaise. Outre l’incertitude qui plane sur l’organisation des élections crédibles en 2023, il y a aussi et toujours la question de l’insécurité à la partie orientale du pays. De l’autre côté, l’absence d’industries locales competitives, le fort taux du chômage, une économie faible mais extravertie, etc.
En deuxième lieu, surtout, la cérémonie du 20 juin 2022 avec le BBB ou le A2 distribués par l’Agence Bloomfield international corporation a tout d’un enfumage monté par deux bons vieux copains : l’un, aujourd’hui ministre RD-Congolais des finances et l’autre, boss de l’Agence.
L’agence Bloomfield International Corporation est une boite de notation financière créée par l’économiste ivoirien Stanislas Zeze, en collaboration avec son épouse l’ingénieure Jeanne Nicole Sissoko-Zeze. Il se fait qu’au début des années 2000, Stanislas et Nicolas croisent leur chemin et partagent les mêmes bureaux à la Banque Africaine de développement à Abidjan, où l’un est senior country credit risk analyst et l’autre, conseiller et directeur exécutif suppléant par intérim, représentant la RD-Congo, le Cameroun, le Congo, le Burundi et la République centrafricaine.
« Une histoire d’orgueil personnel que d’un réalisme basé sur des données économiques »
Mais, là n’est pas tout. Pour les analystes qui ont suivi ces deux brillants économistes africains, Stanislas et Nicolas, ce projet de dédollarisation est plus une histoire d’orgueil personnel et d’esprit d’aventure qu’un réalisme basé sur des données économiques. Cela avec cependant un risque très grave pour les rd-congolais !
En effet, le traitement de question de l’utilisation du dollar américain en RD-Congo à des fins de transaction doit se faire avec prudence, car le dollar a été introduit en réaction à l’instabilité de la monnaie nationale.
Les économistes attribuent d’ailleurs le semblant de stabilité macroéconomique qu’a connu la RD-Congo dans le passé au recours au dollar, bien que de l’autre côté cela a rendu le système financier plus vulnérable aux crises de liquidité et de solvabilité.
A la différence des nations comme El Salvador, Équateur et Panama où la dédollarisation a été totale, celle RD-Congo se veut être graduelle; Il s’agit dans un premier temps de plafonner les dépenses courantes des institutions publiques, une mesure tout autant inefficace, de l’avis de cfinances.info ! (Lire aussi RDC : le gouvernement envisage de limiter les dépenses courantes en devise US!)
Et malgré les faits d’annonces de plusieurs gouvernements qui se sont succédés dans ce pays, les enquêtes de cfinances.info révèlent que la devise américaine demeure le moyen de paiement préféré, comme monnaie de référence dans laquelle des actifs financiers sont détenus et comme monnaie dans laquelle les prix et les salaires intérieurs sont souvent fixés.
Le gouvernement est d’ailleurs en première ligne dans cette pratique. On se souvient que le prédécesseur de Nicolas Kazadi, Sele Yalaghuli était fier d’annoncer en janvier 2021 l’introduction sur le marché, à partir du deuxième trimestre 20211, des Bons du Trésor de 12 mois indexés au taux de change du dollar américain contre le franc congolais et, à partir du second semestre, des Obligations du Trésor indexées.
Cette annonce était suite au manque d’attraction des opérateurs à souscrire aux Bons du Trésor et Obligation du Trésor qui, depuis octobre 2019, étaient émis uniquement en monnaie nationale.
« Certains opérateurs parlent déjà de ‘‘l’angolatisation’’ de la RD-Congo »
Sur le marché financier, la crainte est déjà perceptible. Certains opérateurs parlent déjà de ‘‘l’angolatisation’’ de la RD-Congo, terme renvoyant aux effets très pervers de cette mesure dans l’économie du pays d’Edouardo Dos Santos, seulement… parce que le ministre veut laisser ses marques. Peu importe le prix ! Mais pourquoi, nourrit – il en sourdine, lui aussi, des ambitions présidentielles? Se demande-t-on dans les salons huppés de Kinshasa.
Plusieurs pays ont pu avec succès se dédollariser en promouvant des systèmes d’indexation financière ou en recourant au contrôle des capitaux. La question qui reste sans réponse à ce jour au niveau du ministère des finances de la RD-Congo est celle de savoir comment Nicolas Kazadi va-t-il s’y prendre ? L’opacité dans l’information n’est-elle pas la preuve que la dédollarisation n’est qu’un autre fait d’annonce ?
Affaire à suivre…