Afrique-Occident : aide au développement assujettie aux stéréotypes racistes

Elle a la peau dure, ce racisme. Même sans chaines aux pieds, moins encore au coup, par sa peau, l’esclave d’avant-hier, colonisé hier, indépendant et partenaire aujourd’hui, il y a des stéréotypes desquels le partenaire occidental  ne peut malheureusement  se défaire. Le dire ainsi parait trop fort. Cependant, comme plusieurs experts ont longtemps fustigé le modèle d’assistance réservée à l’Afrique ainsi que le type de gestion de fonds lui alloué par l’Occident, cette fois-ci, ce sont les parlementaires britanniques qui, dans un rapport publié le 23 juin 2022, documentent les tares de gestion de l’aide au développement qui est essentiellement assujettie aux stéréotypes racistes tant dans la forme de communication, dans la gestion du personnel, que dans les traitements salariaux.

En février 2021, ces députés avaient lancé une enquête sur la philosophie et la culture de l’aide.  Les plus grands témoignages collectés ont montré qu’il existait beaucoup d’attitudes racistes et paternalistes, ainsi que des défis de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans le personnel au sein des institutions d’aide.

Hiérarchisation des races

Rien n’a changé depuis la nuit de temps. Selon le rapport, les structures de l’aide internationale, qu’elles soient pilotées par des organisations caritatives ou par le gouvernement, sont des plateformes où le racisme d’hier a muté. A titre d’exemple, dans ces structures, rapportent les députés Britanniques, les postes de direction sont toujours dominés par les Blancs. Et lorsque ces structures font des appels publics, les pays africains sont dépeints comme inférieurs au Royaume-Uni. « Dans leurs appels publics, les organisations d’aide internationale dépeignent les communautés qu’elles servent comme « impuissantes et nécessiteuses » et « les dépouillent de leur dignité », ce qui implique que les pays dans lesquels elles travaillent sont « inférieurs au Royaume-Uni » », a déclaré le Comité de développement international du parlement britannique.

Le soubassement de cette attitude, elle-même héritage de la colonisation, est le fait de hiérarchiser les races en mettant au bas de l’échelle les communautés noires, autochtones et de couleur, note le Comité. C’est ce qui a conduit à la perception que ces communautés sont incapables de s’auto-gouverner et cela se reflète dans la discrimination à laquelle ils sont confrontés.

Communication sur un fond racial

Pour le Comité, ce cliché s’est cristallisé dans modèle de communication où les bénéficiaires des aides sont qualifiés de pauvres, sans défense. Les appels de fonds caritatifs qui dépeignent les communautés qu’ils servent comme pauvres et sans défense sont devenus un cliché. Bien que de nombreuses organisations aient cessé de montrer des travailleurs humanitaires blancs – au lieu d’utiliser des images de travailleurs de première ligne de la communauté locale, beaucoup d’images donnent toujours l’impression que les personnes qu’ils servent sont dans le besoin et doivent être sauvées, reproduisant ainsi des stéréotypes dépassés Par ailleurs, même les récits de la situation des aidés sont trop simplifiés et n’explorent pas et peu les raisons pour lesquelles ces communautés vivent dans la pauvreté. Les slogans utilisés sous-estiment les autres facteurs qui ont contribué à ce que les individus se trouvent dans des situations difficiles, tels que des relations commerciales inégales, le changement climatique ou un conflit.« La terminologie que les acteurs humanitaires utilisent pour décrire les personnes avec lesquelles ils travaillent et dans les campagnes de collecte de fonds renforcent les stéréotypes selon lesquels les habitants des pays à revenu faible et intermédiaire sont impuissants et ont besoin d’être sauvé, » note le rapport.

Des recrutements, des nominations, les salaires sur base des critères racistes

Dans le rapport, Lorriann Robinson, membre de la société de conseil internationale Advocacy Team, a fait de déclaration qui ont laissé les députés sans mots. Par exemple, les grilles salariales du Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement -FCDO- pratiquent une discrimination salariale basée sur la race. Un professionnel local, avec 15 ans d’expérience et travaillant aux côtés d’un diplômé du Royaume-Uni avec deux ans d’expérience seulement, gagne moins que ce dernier. « C’est un exemple des inégalités entre les groupes raciaux », a-t-elle conclu.

De son côté, Sarah Champion, qui préside le comité de développement international, a déclaré que « Le secteur de l’aide existe pour aider ceux qui en ont besoin. Mais il ne peut pas le faire efficacement tant qu’il ne s’attaque pas aux déséquilibres de pouvoir fondamentaux qui existent au sein de ses structures et qui permettent aux pratiques racistes de se perpétuer… »

En effet, le rapport note que les conseils d’administration et les postes de direction des ONG sont dominés par des Blancs et basés dans des pays à revenu élevé comme le Royaume-Uni. Cette attitude est le fait de la fausse croyance qui veut que les meilleures pratiques proviennent des États riches.

Themrise Khan, un professionnel du développement international du Pakistan, va plus loin dans sa conclusion. Pour lui, l’aide devient « un autre moyen de se livrer à des pratiques racistes ». Destinée, au départ, à reconstruire les pays après la fin de la domination coloniale, l’aide a fini par être « un moyen pour les anciens colonisateurs de continuer à contrôler la plupart de leurs anciennes colonies… », note Themrise Khan.

Les députés constatent malheureusement qu’actuellement toutes les décisions sur les dépenses d’aide sont souvent prises au niveau des sièges des bailleurs de fonds européens et nord-américains totalement détachés des communautés qu’ils prétendent servir. Ils recommandent le FCDO et les organisations d’aide internationale à transférer le pouvoir de décision et les ressources aux communautés dans lesquelles ils travaillent.

Sha Nzovu

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